À seulement dix-sept kilomètres de mon seuil, une étonnante découverte :
Une pépinière de Bonsaïs !…
Un monde suspendu, un souffle de verdure…
Dans les couloirs du commerce, 80% à 90% des bonsaïs traversent les mers avant d’atteindre nos rives…
- De Chine, naissent les forêts à bas prix, en lignes serrées, souvent préformées…
- Du Japon, descendent les silhouettes raffinées, travaillées longuement…
- De Corée et du Vietnam, jaillissent aussi quelques essences, parfois tropicales, souvent robustes…
Pourtant, quelques producteurs français passionnés, mais ils restent rares, enracinent ici même l’art des Bonsaïka…
Troncs lentement grossi, saisons respectées, gestes mesurés, travail artisanal…
C’est le cas de la « Pépinière Bonsaï Galinou », à Sainte-Livrade-sur-Lot…

Une production « made in France »…
Depuis maintenant trente ans, les bonsaï se sèment et se cultivent au sein de cette pépinière située en Lot-et-Garonne…
Depuis son site Web, Jacques Galinou nous dit :
« Dans notre pépinière bonsaï, nous nous considérons avant tout comme des agriculteurs avec une formation horticole. Nous sommes des cultivateurs, et c’est ce qui nous différencie des autres professionnels du bonsaï, nous préférons développer une production locale, issue de semis ou de boutures. Cela nous permet d’avoir un contrôle total sur ce que nous faisons ainsi que d’avoir des arbres parfaitement acclimatés lorsqu’ils seront chez vous. »
Son site Web poursuit :
« Une grande partie des arbres de la pépinière ont été cultivés en pleine terre pendant des années, le temps de former un tronc de bonne taille, des branches charpentières. »
« Sur les quelques hectares de culture, la production est assez diversifiée. Des érables (Palmatum, Kyohime, Tridents, Shishigashira, Kotohime, Pourprea, Orange dream, etc.), des pins noirs, des pins blancs, des genévriers, des chênes, des myrtes, des loropetalums, des ormes de Chine, des oliviers, des azalées, des méta-séquoi. »

Dès mon entrée sous la serre, silence et démesure… Une armée de bonsaïs, alignés sur des tables de fer au plateau grillagé, recouvertes de toile tissée horticole…
Des centaines, sans doute plus d’un millier…
Le vert réglemente l’espace, le regard saute d’un tronc à l’autre…
Spectacle immobile, force contenue…

Mais capturer tout cela en foto ? …
Épreuve compliquée…
Les sujets se frôlent, se masquent, se volent la lumière…
Malgré la mise au point et la faible profondeur de champ, au lieu de privilégier l’artistique l’image glisse irrémédiablement vers l’inventaire…
Je choisis donc le « relevé » plutôt que la « mise en scène »…
Chaque foto portera son nom, son essence, son souffle si possible, assisté par les yeux électroniques des applications de mon smartphone…
Trêve de préambule… place aux arbres…
Genévrier de Chine, (Juniperus chinensis) en style Moyogi…
Feuillage compact et prometteur…
Patience et ligatures dessinent déjà le futur…
Erable du Japon Kiyohime…
Forme en balai, appelée en japonais Hokidachi…
Elle transmet une impression d’équilibre et de sérénité, très appréciée dans les compositions classiques japonaises…

Un second Érable palmé (Acer palmatum)…
Ramure fine, jeunes pousses à peine rosées…

Erable du Japon Shishigashira
Tronc franc, ramure en plateau, caractère montagnard apprivoisé…

Deux Érables tridents (Acer buergerianum)…
Silhouettes compactes, racines noueuses et feuillages trilobés…
Vigueur estivale et promesses automnales s’y devinent…


Orme de Chine (Ulmus parvifolia)…
Style Chokkan (forme droite formelle)…
Structure en plateaux, ramure compacte et feuillage ciselé…
Maturité maîtrisée sous surveillance continue…

Même essence, autre âge, autre style…
Orme de Chine (Ulmus parvifolia)…
Style Moyogi (forme informelle sinueuse)…
Tronc sinueux, branches en progression et feuillage espacé…
L’arbre trace sa ligne dans le vide…

Charme commun (Carpinus betulus)…
Style Chokkan (forme droite formelle)…
Ramure disciplinée, feuilles ciselées et tronc sobre…
Équilibre maîtrisé entre vigueur et finesse…

Cotonéaster rampant (Cotoneaster horizontalis)…
Style Moyogi étagé (forme informelle en plateaux)…
Ramure étagée, feuillage lustré et port élégant…
L’arbuste s’installe avec constance…

Focus sur les mini-fruits…
Perles naissantes sous les nervures luisantes…
La promesse miniature d’un automne chargé…

Erable du Japon Palmatum
Style Moyogi (forme informelle sinueuse)…
Feuillage élancé, ramure aérée et tronc vigoureux…
La grâce subtile d’une essence discrète…

Ficus retusa…
Style Moyogi (forme souple d’intérieur)…
Tronc puissant, racines en poigne et feuillage lustré…
Force tranquille sous lumière tamisée…

Pin de montagne (Pinus mugo)…
Style Shakan (forme inclinée)…
Tronc noueux, aiguilles serrées et silhouette inclinée…
Le souffle des cimes sculpté à ras de pot…

Pin de montagne (Pinus mugo)…
Style Ishitsuki (planté sur roche)…
Racines cramponnées à la roche, aiguilles dressées entre les failles…
La verticalité minérale accueille la ténacité végétale…

Pin de montagne (Pinus mugo)…
Style Ishitsuki détourné (inspiration roche libre)…
Port ramassé, silhouette tendue, racines nouées à la terre rouge…
À ses pieds, une pierre dressée comme un éclat de falaise…
Je tournais autour…
Je résistais…
Un peu…
Pas beaucoup…
Pas passionnément…
Encore moins à la folie…
En réalité, pas du tout ! …
Et me voilà propriétaire d’un bonsaï, bonsaïka malgré moi…

Mon Pin de montagne (Pinus mugo)…
Posé désormais sur la plate-bande de ma terrasse, à l’ombre de la haie recouverte d’une toile tissée horticole et face au ciel, le pin trouve refuge…
La pierre veille, le tronc s’incline, les aiguilles respirent…
Discret dans son coin, il impose pourtant sa présence…

Flâner parmi ces silhouettes miniatures suffit parfois à faire germer un drôle d’attachement…
Néophyte sans tabou, je l’avoue… sans sabre, sans kimono, sans sablier pour compter les lenteurs d’une branche en hésitation, je me glisse entre traditions et intuitions, juste l’œil en éveil et la curiosité au bout des doigts…
Mais je m’incline, sans malice, devant ce pin tordu…
J’invente mes styles à moi, entre Moyogi du pauvre et Hokidachi du hasard…
Merci à la pépinière Galinou pour ce piège de verdure tendu entre branches et regards…
Et gratitude à mon ami Pierre, éclaireur discret sur le sentier des bonsaïs…
Claudio Boaretto