Voici un billet que je publie avec plaisir mais qui n’intéressera qu’une faible partie des habituels visiteurs de mon blog, à savoir, mes amis artistes et poètes, et, en particulier, mes camarades de la délégation Lorraine de la Société des Poètes et Artistes de France….
Tout a commencé en aout dernier lorsque je publiais sur ce blog le joli poème sur Venise écrit par mon ami Gérard Charut
http://boaretto.unblog.fr/2012/08/09/venise-de-gerard-charut/
Suite à la beauté de ce texte écrit en ce que d’aucuns appelleraient la poésie néoclassique, s’installa un débat qui donna lieu à 38 commentaires…. Un record….
Ce billet va sembler fastidieux mais je me vois obligé de transcrire presque intégralement les dialogues et actions qui ont suivi ce débat
Ce débat donc déboucha sur un consensus que plusieurs membres de la Société des Poètes et Artistes de France souhaitaient voir prendre corps par une note de Synthèse qui se devrait d’être présentée aux instances nationales de notre société….
Ce fut notre ami, poète et philosophe, Gérard Dalstein, qui s’attela à la tâche….

Gérard
Voici cette note de synthèse :
PREAMBULE
Dans l’univers de l’écriture poétique, tout le monde sait ou peut savoir ce qu’est la forme classique. Les traités ne manquent pas, dans toute une gamme de lisibilités allant du propos très pédagogique à l’analyse très fouillée.
Mais les jeunes poètes, -et c’est surtout vers eux que ce propos est développé-, se trouvent souvent dans un domaine tout à fait flou lorsqu’ils choisissent d’écrire, comme c’est le cas pour un certain nombre d’entre nous, en forme néo-classique, forme justifiée par l’évolution des usages et des cultures qu’elle est susceptible d’intégrer.
Quant à la forme libre, c’est-à-dire plus précisément la poésie en prose, elle échappe à la codification, et ne pose donc aucun problème si ce n’est qu’il est difficile de rendre par ce genre une émotion poétique aussi intense qu’à travers les deux autres.
Par ailleurs, un certain nombre de personnes ont la sensation qu’il existe une réalité hiérarchisée dans cette classification des trois formes.
Cette classification ne vise pas bien entendu l’exhaustivité mais les genres les plus pratiqués. Il existe de fait une catégorie « autres » notamment les versifications « hors normes », car le poète a tous les droits dans l’expression de son inspiration. Le verdict sera celui du lecteur qu’il aura su toucher ou non.
PROPOSITIONS
AFFIRMER OU CONFIRMER à toutes occasions qu’il n’existe aucune hiérarchisation entre ces trois formes d’expression poétique. Pour ce faire présenter par exemple les trois formes en inversant l’ordre habituel qui est assimilé à un ordre hiérarchique, c’est-à-dire poésie en prose (dite libre), poésie néo-classique, poésie classique. Il est peu probable que cet ordre induise une sensation de hiérarchisation.
DONNER UN STATUT LE PLUS CLAIR POSSIBLE à la forme de poésie néo-classique au même titre que des deux autres, alors qu’il existe une sensation diffuse et malsaine qu’il s’agit d’une forme classique dénaturée, ou, pire, fautive.
Dans ce contexte, il pourrait être utile d’examiner point par point les règles classiques auxquelles il est permis de déroger (il s’agit bien de dérogation et non d’ignorance) dans l’écriture néo-classique en raison de l’évolution des usages de la langue et des cultures, à savoir notamment :
Non prise en compte de la règle qui interdit de faire rimer un singulier avec un pluriel (archaïsme phonétique)
Dérogation à l’obligation de recourir systématiquement aux diérèses sur les syllabes en fin de mot concernées par ce traitement (terminaisons en ion, ieu notamment) dont l’usage peut alourdir un vers et lui donner parfois un aspect pédant. (Si l’harmonie générale y gagne ou du moins n’y perd pas sans diérèse, pourquoi s’y accrocher puisque l’on ne les applique pas dans le langage courant, même le plus élaboré ?)
Tolérance d’un usage discret du hiatus, notamment dans certaines expressions comme peu à peu, il y a … (Molière en a fait par exemple un moins discret dans ce vers « Mais mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut »)
Tolérance de l’usage de l’enjambement ou du contre rejet qui peuvent parfois enrichir les possibilités de rimes bienvenues. (on trouve notamment des enjambements assez fréquents chez Corneille, Racine, Chénier, Hugo) (10 exemples à votre disposition)
Non prise en compte de la règle qui interdit, à l’intérieur d’un vers, le E muet quand il est précédé d’une voyelle si ce dernier n’est pas alors suivi d’un mot commençant lui-même par une voyelle. L’effet de cette contrainte ne se fait sentir en rien de positif dans la composition, la rythmique, l’harmonie générale du poème et réduit artificiellement le nombre des combinaisons susceptibles d’enrichir le propos.
Et en guise de viatique, insister bien entendu sur le fait qu’en poésie, le premier principe qui ordonne tous les autres, c’est la capacité d’émouvoir le lecteur dans une large gamme d’expression de la sensibilité, et la puissance des pouvoirs d’évocation qui y sont liés. Et cela n’est possible qu’avec un ensemble harmonieux dans lequel la musique joue un grand rôle, plus encore que la richesse des rimes.
A ce niveau on ne peut que conseiller aux jeunes auteurs de se frotter à l’écriture classique qui constitue le meilleur apprentissage de la maîtrise des structures nécessaires à l’expression poétique.
Quelques mois plus tard, alors que j’allais interroger notre ami Armand Bemer, président de notre délégation,

Armand
sur le sort réservé à notre note de synthèse lors de l’assemble générale nationale, voilà qu’il me fit parvenir cette réponse :
Salut Claudio,
Sur ton blog, je voudrais apporter mon complément d’information suite à nos échanges sur la poésie néo-classique. Mais je ne sais pas où placer mon commentaire pour qu’il ne fasse pas « cheveu sur la soupe ».
Comme ton blog est très diversifié, je ne sais par où m’introduire.
Est-ce que je peux t’envoyer mon commentaire sur un fichier Word et toi tu le caseras… ?
Voilà ce texte suite à ce qu’il appelle la « controverse de Venise »,
Personnellement, j’aurais plutôt dit le « consensus de Venise ».puisque nous en étions arrivé à une note de synthèse, mais je ne veux pas trahir la pensée d’Armand :
Bazoncourt, le 06 novembre 2012
Pour faire suite à la « controverse de Venise ».
C’est ainsi que j’appellerai l’échange approfondi et fructueux que nous avons eu sur le blog de Claudio il y a quelques semaines/mois. Cet échange concernait les catégories d’écriture poétique souvent mises en avant lors des concours, à savoir « poésie classique, néo-classique et libérée ».
Gérard Dalstein avait eu le courage, et le mérite, de mettre par écrit la somme de nos échanges et les problématiques liées à ces catégories. J’avais proposé de porter la question lors de notre Congrès annuel et Vincent Vigilant, président national, m’a donné la parole lors des « points divers » de l’Assemblée Générale.
J’ai rappelé notre démarche devant les congressistes et un débat intéressant s’est instauré. Une délégation a notamment expliqué que leur objectif était d’inciter les poètes s’exprimant en « néo-classique » à faire un effort pour qu’ils se rapprochent davantage du classique, ce qui induit bien la notion de hiérarchie que nous voulions éviter en Lorraine.
L’un de mes voisins a expliqué que ce débat était récurrent depuis fort longtemps et a proposé que l’on adopte la terminologie suivante pour la poésie néo-classique : la « poésie régulière contemporaine ». Il y voyait un avantage sémantique : « régulière » sous-entend qu’il y a des règles ; « contemporaine » sous-entend que, la langue française ayant évolué, on pouvait écrire en adoptant les usages de la langue d’aujourd’hui.
J’ai appris dans le courant de l’après-midi que cet intervenant était Gérard LAGLENNE dont je connaissais le nom et le talent, les ayant souvent croisés tous deux dans Art & Poésie. Venant de lui, je pense qu’il s’agit d’un avis éclairé.
Charge donc à nous, dans les différents cercles poétiques où nous gravitons, de faire passer cette définition et de la défendre pour que le néo-classique ne soit pas simplement un « ersatz » d’une catégorie présentée comme généralement plus noble et au sommet de la hiérarchie.
Merci à Claudio de publier ce texte sur son blog en référence à notre ancienne « controverse », qui reste, bien sûr, d’actualité. Gageons que le problème n’est pas définitivement réglé…
Armand BEMER
Délégué Régional SPAF Lorraine
Ce texte me laissait perplexe et je me permis de lui répondre ceci :
OK, je vais le faire et te remercie de ta réponse….
Auparavant, un petit éclaircissement ; Si j’ai bien compris, contredis moi si je me trompe, on change la terminologie, le nom, qui deviendrait « poésie régulière contemporaine », au lieu de « néo-classique »?….
Pourquoi pas….
Mais qu’en est-il des 5 points abordés dans la note de synthèse rédigée par Gérard…. Car là est le nœud de l’affaire….
Car si dans cette « poésie régulière contemporaine » on remet la même chose, c’est-à-dire n’importe quoi, ce que chacun veut, comme c’est le cas actuellement, nous n’aurons pas trop avancé et notre démarche ne sera plus qu’un coup d’épée de plus dans l’eau….
Ou n’aurais-je pas tout compris de ta réponse?

Claudio
Ce à quoi Armand répondit :
Salut Claudio,
Je crains que, « malheureusement », tu n’aies tout bien compris. Nous n’avons pas pu aborder, en AG, dans les points divers, quand tout le monde commence à se tortiller sur sa chaise, les aspects pointus de notre demande. Et peut-on « légiférer » sur des points où tu auras du mal à obtenir un consensus ?
L’idéal aurait été de créer un groupe de travail national qui se serait penché sur la question, mais j’imagine que cela aurait été une « commission » de plus… Je ne peux pas m’y investir. Si d’autres souhaitent lancer la réflexion, pourquoi pas?
Cela étant, Gérard était présent à l’AG quand ce point a été abordé et pourra peut-être apporter un éclairage plus complet car moi j’étais vraiment pris dans le feu de l’action et j’ai peut-être oublié d’autres aspects des diverses interventions.
Tu pourrais lui transférer notre présent échange et le texte que je t’ai soumis.
Je me suis donc retourné vers Gérard dont voici la conclusion :
Cher Claudio,
En premier lieu, une petite précision qui a son importance, et dont peut-être Armand ne se souvient plus. Je n’étais pas à l’assemblée générale de la SPAF quand le point du statut de la poésie néoclassique a été abordé, car nous sommes arrivés (essoufflés) pour le début de la cérémonie de remise des prix pour repartir le soir même car j’avais un RV dans un restau du quartier du Marais. J’ignore donc tout ou presque, à part ce qu’Armand a pu m’en dire brièvement, sur ce qui a été évoqué à l’AG.
Mais peu importe, car je crois, après les propos d’Armand, dont il te communique l’essentiel au terme du message communiqué, qu’une éventuelle « réglementation » ne peut pas venir de la SPAF, vu notamment les différences de perception qui existent entre les différentes délégations. Je reste sur le terrain de la non hiérarchisation et de la clarification des genres dans le « mouvement de l’histoire » quand d’autres s’attachent à une conception élitiste fondée sur une tradition qui deviendrait immuable. Dans ces conditions, il paraît difficile d’obtenir un consensus qui tienne vraiment la route, nonobstant le fait qu’il y a là un investissement certain à mettre en oeuvre au niveau national. De plus on peut assez vite glisser dans des polémique stériles avec une ou des délégations aux tendances un peu « intégristes » du type « hors la forme classique point de salut en poésie ».
Alors que faudrait-il faire ? Se démettre en laissant au temps le soin d’agir, car l’usage finira par faire loi, ou chercher d’autres pistes pour trouver des points de références qui pourraient ensuite être transmis ? Je penche pour cette deuxième solution. Il y a certainement un passage pour les conceptions porteuses d’avenir, ou nous nous trompons.
Je crois qu’en premier lieu il nous appartient de continuer à transmettre cette conception jusqu’à ce qu’elle fasse son chemin dans tous les lieux où nous sommes actifs. Et en second lieu, trouver une structure référente à partir de laquelle on pourrait toucher le monde de la poésie. J’ai une petite piste. Il faut oser, mais c’est souvent la clé des situations bloquées. J’ai déjà eu quelques contacts avec le secrétariat de l’académie française, et contrairement à une idée répandue cette haute assemblée est plus accessible qu’il n’y paraît si on trouve la bonne entrée. Il y a au moins une commission qui travaille sur la poésie, et je vais essayer de trouver cette entrée. Après, il faudrait mettre en forme un texte de saisine de bon niveau, susceptible de provoquer de l’intérêt. Après tout, il faut bien leur apporter un peu de travail !
Voilà, c’est tout ce que j’ai trouvé pour l’instant. Mais sait-on jamais? Qui ne demande rien n’a rien!
Gérard
Je conclurai en vous faisant copie de la réponse que j’ai faite ce matin même à Gérard et Armand, Armand qui proposait également une lettre ouverte envoyée à un grand média, au moment du printemps des poètes, par exemple
Bonjour Armand, bonjour Gérard…
Je ne crois pas qu’une lettre ouverte dans un journal aurait un effet quelconque….
Et puis, il n’y a rien de plus éphémère qu’un article de journal…. On en parle un jour, on l’oublie complètement le lendemain….
De plus, cela pourrait gêner d’aucuns, s’il y en a, qui auraient une once de pouvoir ou d’influence pour faire évoluer les choses dans le bon sens et pourraient se sentir bousculé par ce genre d’épître….
Mais c’est bien de chercher des solutions alternatives….
En revanche, la piste évoquée par Gérard me semble idéale si elle arrive à bonne fin….
Cela rejoint les pistes que j’entrevoyais au début de la discussion… Déjà, dans mes commentaires des 18 /08 et 19/09:
« Nous avons aussi des académiciens en France…. Sûr que le sujet devrait les intéresser…. »
Alors quand Gérard dit : «j’ai une petite piste» Mais c’est la piste ROYALE !, la seule qui puisse aboutir à quelque chose…. Les sociétés de poètes, nous ne nous en sortirons pas, on en reviendra à des guéguerres de chapelles, pour ne pas dire de castes qui n’aboutirons à rien, personne ne voulant démordre de ses principes, nous en avons maints exemples dans des discussions précédentes….
Tout ce que nous pouvons espérer c’est que Gérard trouve le couloir juste, l’entrebâillement de la bonne porte, pour s’introduire à l’Académie Française et que nos académiciens aient la disponibilité, la motivation et le recul nécessaire pour se pencher sur le sujet….
D’ailleurs, nous n’avons peut-être pas raison sur tout ce que nous proposons, mais que nos « Sages Anciens » nous le démontre, nous l’explique, nous l’apprennent….
Gérard, tu es IMPERIAL !!!…..
Voilà, ceux intéressés par cette démarche savent tout dorénavant et le débat reste ouvert….