Je vous invite aujourd’hui à une promenade partant de l’embarcadère du Vaporetto de « Sant’ Alvise » pour rejoindre le « Canal de Cannaregio » avec passage par le « Getho » de Venise…
Descendus du bateau, nous voilà à « Sant’ Alvise », un des endroits populaires de Venise dans le sestiere de « Cannaregio » …

Ce quartier ressemble beaucoup à « Castello » et même à « Sant’ Elena » …
On y retrouve des angles droits où sèche le linge traversant les « Calle » …

Ainsi que les habituelles « Altane » en bois pour se prélasser au soleil…

Il y a de quoi couvrir plusieurs chefs…

Un chat méfiant nous regarde avec circonspection, hé oui, nous ne sommes pas du quartier…

Nous débouchons sur le « Rio de Sant’ Alvise » …
Il faut savoir que ce secteur est traversé par trois « Rii » rectilignes et parallèles :
le « Rio de Sant’ Alvise »,
le « Rio della Sensa »
le « Rio della Misericordia » …

Un peu plus loin, deux pigeons s’abreuvent à une fontaine publique, rien que de plus normal…

Nous sommes bien dans la Venise de chez nous avec ses « Calle » étroites et sombres…

Ses culs de sac qui terminent sur des « Rii » transversaux…

Où l’on ne peut qu’admirer les reflets dans l’eau, semblables à des œuvres d’art abstraites…

Sur le mur des sculptures du lion de Venise, m’est avis qu’un artisan ou un amateur de terre cuite réside dans le coin…

Chaque petit coin de Venise a son originalité, c’est le paradis des « fotografs » …

Nous arrivons au troisième rio, le « Rio della Misericordia » pour emprunter le pont du « Gheto Novo » (écrit en vénitien, soit en français : le ghetto nouveau) qui contrairement à son nom est le ghetto le plus ancien…

Quelques mots sur le Ghetto de Venise extraits de l’exposé du Docteur Danièle GUEDJ :
« Le premier peuplement de juifs n’eut pas lieu dans la cite vénitienne elle-même mais dans l’ile de SPINALUNGA (ou longue arête de poisson, du fait de sa forme), ile insalubre car elle abritait des tanneries et qui était donc dévolue aux juifs. En 1252, du fait du nombre croissant de juifs y habitant, elle a été nommée GIUDECCA.
Il faut préciser que les vénitiens voulaient vivre entre eux et isolaient toutes les communautés étrangères…
Ensuite les juifs arrivèrent d’Allemagne, soit fuyant les persécutions qui y faisaient rage, soit attirés par les avantages commerciaux.
Puis ce fut le tour des juifs d’Espagne en 1492, fuyant l’inquisition, bientôt suivis en 1496 par les juifs fuyant le Portugal…
Il y eu d’abord le GHETTO NUOVO en 1516, plus précisément le 25 mars 1516,
Les juifs ayant 3 jours seulement pour déménager et trouver à se loger, logement dont le loyer a été majoré d’un tiers en accord avec les autorités lors de la venue des juifs…
Pour les juifs d’Allemagne et d’Italie (de Rome ou du sud de l’Italie) dans le quartier de la nouvelle fonderie a canons à Cannaregio…
Puis le GHETTO VECCHIO en 1541 pour les juifs expulsés d’Espagne et du Portugal.
Vecchio ne veut pas dire qu’il est plus ancien mais érigé sur les ruines de l’ancienne fonderie désaffectée…
Le ghetto était insalubre, surpeuplé, loin de l’activité commerciale de ses habitants…
Ce fut le quartier le plus élevé de Venise avec 6-7 étages, des appartements petits aux plafonds bas pour pallier au manque de place »
Si vous désirez en savoir plus, je vous invite à lire l’article :
« Les Juifs de Venise » par le Dr Daniele GUEDJ que vous trouverez sur ce lien : http://www.terredisrael.com/juifs-venise.php
Mais continuons notre promenade, nous avons passé le pont et nous voici dans le « Campo du Gheto Novo » …
Nous sommes samedi, c’est Sabbat, il y a queue devant les restos casher, c’est d’une débauche de feutres noirs et de kippas…

Plus besoin de regarder le nom du campo pour savoir où nous sommes…

Les enfants s’amusent, coiffés également de leur kippa de couleur, bleue, blanche,

Ou verte…
Hé, attendez-moi, j’arrive ! …

Sur le campo, une grande sculpture en bronze érigée le 19 Septembre 1993, « The Last Train », monument en l’honneur du 50ème anniversaire de la déportation des Juifs du Ghetto de Venise…

De l’autre côté du campo également plusieurs plaques et bas-reliefs interpellent le passant…

Les deux plaques de droites sont rédigées en français, en anglais et en italien…
Je ne sais pas si la « foto » permet de déchiffrer les textes…
La première plaque :
HOMMES, FEMMES, ENFANTS, TROUPEAU POUR CRÉMATOIRES
CHEMINANT VERS L’HORREUR SOUS LE FOUET DU BOURREAU.
VOTRE TRISTE HOLOCAUSTE EST GRAVÉ DANS L’HISTOIRE
ET RIEN NE CHASSERA VOS MORTS DE NOS MÉMOIRES
CAR NOS MÉMOIRES SONT VOTRE UNIQUE TOMBEAU.
La seconde plaque :
LA VILLE DE VENISE SE SOUVIENT DES JUIFS VÉNITIENS
QUI LE 5 DÉCEMBRE 1943 ET LE 17 AOÛT 1944
FURENT DÉPORTÉS DANS LES CAMPS D’EXTERMINATION NAZIS.

À côté, une œuvre majeure, composée de 7 puissants bas-reliefs en bronze, connue comme le Monument de l’Holocauste, en exposition permanente dans quatre pays :
l’Italie, la France, les États-Unis et la Lituanie…

Ces bas-reliefs sont signés Arbit Blatas, comme le monument précédent « The Last Train », pseudonyme de Nicolaï Arbitblatas, né à Kaunas (Lituanie) le 12 novembre 1908, et mort à New York le 27 avril 1999, peintre et sculpteur lituanien naturalisé américain.

Voici les 7 bas-reliefs composant ce monument…

La première édition de ce monument a été installé dans le campo le 25 Avril 1980, à l’occasion de la Fête de la Libération, Anniversaire de la Résistance et de la fin de l’occupation nazie du pays.

La connexion personnelle d’Arbit Blatas à l’Holocauste était profonde ;
ses parents ont été déportés de la Lituanie en 1941 et sa mère est morte dans le camp de concentration de Stutthof tandis que son père a réussi à survivre Dachau…


L’historien italien de l’art, Enzo di Martini, a écrit à propos du Monument Blatas de l’Holocauste :
« Ces bronzes sont martelés et ciselés dans la colère et la tragédie » …

Toujours sur ce même campo, la maison de repos israélite…

Tout à l’heure nous avions passé le « Ponte del Gheto Novo », nous passons maintenant le « Ponte del Gheto Vecio » qui relie les deux ghetto…

Les « Niziolèti » (petits draps), ces rectangles blancs peints sur les murs où l’on inscrit les noms des rues à Venise, sont depuis toujours écrits en vénitien…
Suite à l’initiative stupide d’une adjointe de la municipalité précédente, responsable de la toponymie, certains « Niziolèti », pendant leur rénovation, ont été récrits en italien !…
Motif avancé par la dite-adjointe : « Ne pas désorienter les touristes et les étrangers qui ne connaissent pas la langue vénitienne » …
La révolte des autochtones alors a grondé, groupes Facebook en tête, pétition à la clef, et la municipalité a dû céder car même certains adjoints et conseillers municipaux étaient opposés à cette « italianisation » des « Niziolèti » …
Mais il reste des traces de cette bévue qui dureront jusqu’à la prochaine rénovation picturale…
Comme sur ceux-ci qui devraient être écrits ainsi :
« PAROCHIA DE S. ALVISE »
« PONTE DE GHETO VECIO »
« CAMPO DE GHETO NOVO »

Nous voici dans le vieux ghetto…
Si vous avez l’œil curieux vous serez interpellés par la « Mezouzah » sur la porte de nombreuses maisons du Ghetto…

Pour ceux qui l’ignorent, tout comme moi avant qu’un ami converti au judaïsme ne me l’explique, la « Mezouzah » est un rouleau de parchemin comportant deux passages bibliques, emboîté dans un réceptacle, et fixé au linteau des portes…

La coutume veut que la mezouzah soit apposée dans tous les lieux où les Juifs résident.
L’étui est fixé à droite dans le sens de l’entrée, en biais, et à une hauteur équivalente au tiers de la hauteur du montant de la porte à partir du linteau.

Le parchemin, fait de la peau d’un animal « pur », est calligraphié par un scribe habilité à cette tâche. Il est nécessaire de faire vérifier régulièrement (deux fois tous les sept ans) ce parchemin afin de s’assurer que le texte est toujours en bon état.

L’esthétique du boîtier de la mezouzah est très diversifié comme on peut le voir sur ces « foto », ainsi que les matériaux utilisés, bois, plastique, métal, verre ou pierre…

Si les synagogues sont relativement discrètes quant à leur aspect extérieur, elles sont riches et luxueuses à l’intérieur…
Il en subsiste 5 dans le ghetto, on les appelle « Scola » (qui veut dire école en vénitien) …
La Scola grande Tedesca (1528)
La Scola Canton (1532)
La Scola Levantina (1538)
La Scola Spagnola (1555, reconstruite en 1654)
La Scola Italiana (1575)
Personnellement, je ne suis jamais pénétré à l’intérieur d’une de ces synagogues…
Mais je surmonterai une fois mon athéisme forcené pour prendre quelques « foto »…
Aujourd’hui Sabbat, les synagogues ne sont pas ouvertes aux visites…
Devant nous la porte de la synagogue nommé « la Scola Levantina »…

Une plaque de marbre commémorative sur le fronton :
1939 -1945
DEUX CENTS HÉBREUX DE VENISE
HUIT MILLE HÉBREUX D’Italie
SIX MILLIONS D’HÉBREUX D’EUROPE
PAR L’AVEUGLE HAINE BARBARE
EN DE LOINTAINES TERRES
CHASSÉS MARTYRISÉS SUPPRIMÉS

Sur le mur d’en face, une autre plaque de marbre en mémoire des hébreux vénitiens qui se sont battus et sont tombés pour l’Italie pendant la première guerre mondiale…
Cette plaque est datée de MCMXV-MCMXX (1915-1920) …

Ce petit devoir de mémoire accompli, loin d’être vain actuellement vu la montée nauséabonde de tous les nationalismes en Europe, nous rejoignons la « Riva del Canal de Cannaregio », que nous entrapercevons au soleil au bout de ce « Sotoportego », pour aller fêter un anniversaire en famille…

Claudio Boaretto