Le cimetière officiel de Venise occupe la surface totale de l’île « San Michele » située devant la rive nord de la Sérénissime, juste avant l’île de « Murano » …
En réalité, ce cimetière est l’assemblage de deux îles, l’île de « San Michele »
(se prononce : San Mi-kè-lè, avec accent tonique sur le kè)
et l’île de « San Cristoforo »,
séparées par un canal étroit qu’il fut à l’époque difficile de combler…

Ce cimetière est immense, très visité par les touristes, divisé en « recinto » (enclos) selon les religions, les époques et les origines, chaque enclos entouré de murs transformant le cimetière en un gigantesque labyrinthe…
Ne comptez pas sur moi pour vous faire une visite très documentée et exhaustive de l’île, de ses bâtiments, de ses monuments funéraires et des personnalités inhumées, d’autres, plus zélés et plus courageux que votre serviteur, se sont déjà attelés à cette tâche difficile et, à mon sens, rébarbative sauf pour les passionnés…
Simplement, à l’occasion d’une visite aux membres de ma famille reposant en ces lieux, j’ai pris quelques clichés de cet endroit particulier pour le faire découvrir aux visiteurs de mon site qui ne le connaitraient pas encore…
D’autant plus, comme on le constate sur cette magnifique « foto » satellite (qui reste nette même agrandie à 300%), que de l’entrée du cimetière où nous dépose le « vaporetto » (flèche rouge) jusqu’au « recinto » où sont inhumés mes chers disparus (flèche bleue), il me faut traverser toute la nécropole vénitienne…
La flèche verte indique la porte située tout au bout de l’allée centrale où arrivent par bateau, parfois en gondole, les cercueils des défunts lors des enterrements…

Nous abordons bientôt le « pontil » (débarcadère) devant l’entrée où nous accueille l’église de « San Michele », premier bâtiment renaissance de Venise, construite pour les frères bénédictins camaldules et commencée en 1469…

Comme on peut le voir sur la « foto » satellite, aussitôt débarqués nous arrivons sur grand un mur en forme d’arc encerclant l’église et ses deux cloitres…
(En ce jour, difficulté pour le « fotograf » amateur que je suis ; grand soleil de début d’après-midi, donc des zones très claires en plein cagnard jouxtant des zones très sombres à l’ombre… Il m’a fallu utiliser toute la technicité de mon boitier pour ne pas surexposer ou sous-exposer les différentes parties d’une même « foto » et trouver un juste équilibre) …

Face à ce mur, le premier grand cloître à 3 côtés, riche en verdure…

Près duquel nous trouvons le monument funéraire de Christian Andreas Doppler (Salzbourg 1803 – Venise 1853) mathématicien et physicien autrichien, célèbre pour sa découverte de l’effet Doppler,
(L’effet Doppler est utilisé pour mesurer une vitesse, par exemple celle d’une voiture, ou bien celle du sang lorsqu’on réalise des examens médicaux, notamment les échographies en obstétrique ou en cardiologie. En astronomie il permet de déterminer la vitesse d’approche ou d’éloignement des objets célestes (étoiles, galaxies, nuages de gaz, etc.)) …

Ce premier cloitre nous permet de pénétrer dans le second cloitre, moins spacieux mais à l’atmosphère plus lapidaire…

Où nous découvrons un sépulcre monumental, édifié en 1837, des sœurs du monastère de la Visitation de Sainte Marie de « San Isepo de Castello » …

Le monument de « Venise aux Siens tombés et dispersés en terre de Russie » …

Nous quittons les cloitres et avançons dans la largeur de l’île pour arriver à l’église de « San Cristoforo », ou ce qu’il en reste…
Les premiers moines, arrivés sur l’île de « San Cristoforo » en 1424, s’installèrent dans l’église et l’hospice érigés en 1353… Le couvent fut assigné en 1436 aux moines ermites augustiniens qui reconstruiront l’église et le couvent…
L’église et le couvent furent démolis en 1810 pour laisser l’espace à la construction du cimetière (décret du 7 décembre 1807 …
En ces lieux et places fut édifié une grande « chapelle » octogonale dédiée à « San Cristoforo delle Pace » entourée d’un mur en arc de cercle sur sa face sud…
Nous voyons sur la « foto » la façade nord-est de la chapelle…

Plus loin, nous pénétrons dans un « recinto » particulièrement mal entretenu où les tombes semblent laissées à l’abandon… Je crois que c’est le « recinto » orthodoxe, mais n’en suis pas sûr…
C’est quasiment le seul dans ce triste état, fort heureusement…

La tombe d’Oscar de Hederstjern (1868 – 1902) dont le médaillon de bronze a attiré mon attention… Mari de la princesse russe Vera Petrovna de Bagration…
(Aucun fil conducteur pour mes « foto » des sépultures, je shoote au gré de mon parcours quand une tombe ou un monument funéraire m’interpelle, soit par son originalité, soit par son épitaphe, soit par sa renommée) …

Cette sculpture, où l’on voit comme un dignitaire romain regardant la mort au-dessus de son épaule gauche, et son épitaphe impressionnent :
Mario Conte,
Victime héroïque assassiné par une lame en gare de Venise
Fraternellement
30 MARS 1916

Le buste de Mabel Stuart Zucchi ( New-York 1872 – Venise 1898) …

Un autre médaillon de bronze…
Louis Léopold Robert, (1794 La Chaux-de-Fonds, Suisse – 1835 Venise), graveur et peintre neuchâtelois…

Sculpture femme à la rose tenant une palme, pour Carlo (1851-1913) et Marie (1851-1909) Walther…

Une des célébrités du cimetière, la tombe de Helenio Herrera (1916 – 1997), joueur de football argentin naturalisé français, devenu un des entraîneurs les plus marquants du XXe siècle[]…

Autre célébrité, Joseph Brodsky (1940 – 1996), poète russe, lauréat du prix Nobel de littérature en 1987…

La Princesse Russe, Catherine de Bagration, décédée le 11 juin 1857 à Venise…

Une belle pierre tombale avec une sculpture en bronze, rien qu’un prénom, Sonia, née en Russie en 1885, décédée à Venise en 1907…

Je suis toujours attiré par les sculptures en bronze, ici les époux Supancich, lui vraisemblablement un musicien connu à en croire la partition en bronze du côté droit du monument…

Voici encore quelques stars de « San Michele » :
Serge de Diaghilev (1872 – 1929)Créateur et impresario de génie, il a fondé les Ballets russes d’où sont issus maints danseurs et chorégraphes qui ont fait l’art de la danse du XXe siècle…

Igor Fiodorovitch Stravinsky (1882 – 1971, naturalisé français en 1934, puis américain en 1945) compositeur et chef d’orchestre russe de musique moderne, considéré comme l’un des compositeurs les plus influents du XXe siècle…

Repose à ses côtés Vera Stravinsky,rencontrée en 1921 et épousée en 1940 après la mort de Katerina la première épouse…

Emilio Vedova (1919 – 2006), peintre et graveur italien du XXe siècle, l’un des plus en vue après la Seconde Guerre mondiale…

Ces murs en arc de cercle, caractéristique de ce cimetière…


Un autre VIP du cimetière, Giulio Lorenzetti, écrivain vénitien et historien d’art…
Son ouvrage le plus connu « Venise et son estuaire » publié en 1926, reste aujourd’hui ouvrage de référence sur la cité…
En 1961, Maria sa veuve, qui maintenant repose à ses côtés, a supervisé la traduction du texte en anglais…
En 1963, une nouvelle édition mise à jour a été publiée, puis réimprimé en 1974…
Devant la stèle, sur la pierre de droite nous pouvons lire son prénom, Giulio, sur la pierre de droite, Maria…

Dans certains « Recinti » les pierres tombales sont plus petites, moitié d’une normale, ce que l’on ne voit pas en France…
Personnellement, je les trouve moins tristes, moins déprimantes que les grandes pierres tombales…
Un portrait en mosaïque de celui qui semble le chef de la famille Mazzega…

Sous un saule pleureur, une jeune femme en larmes devant les médaillons des défunts…

Les Sœurs et Mères de Nevers, en communauté dans la vie comme dans la mort…

Un sépulcre où reposent les dépouilles des victimes civiles de la seconde guerre mondiale…

Nous voilà au terme de l’allée centrale du cimetière, devant la porte principale réservée aux inhumations officielles…
(porte désignée par la flèche verte sur la « foto » satellite du début) …

Au travers des grilles en fer forgé nous voyons Venise et la rive de « Fondamenta Nova » …

Nous retournant, nous avons la vue sur l’allée centrale avec la fontaine en son milieu, trop éloignée pour bien la distinguer…

Plus que quelques pas à tribord et nous arrivons au « recinto n° 2 » où repose une partie de ma parenté…

D’entrée, nous ne pouvons pas rater le monument central dédié à Pacifico Ceresa (1833 – 1905), premier sénateur de Venise…

Ce « Recinto » n’est pas en reste en ce qui concerne les personnalités vénitiennes, notamment dans le domaine de la culture, comme en témoigne le portique Est de l’enclos…
À droite du portique, Giacinto Gallina (1852 –1897) dramaturge vénitien, considéré comme l’héritier de Goldoni, il a écrit de nombreuses pièces en vénitien…
Une école de Cannaregio, sestiere de Venise, porte son nom…

À gauche du portique, deux autres personnages remarquables…

En bas, Francesco Baseggio dit Cesco Baseggio (1897 – 1971) célèbre acteur de cinéma et comédien de théâtre… Il commence très tôt sa carrière s’affirmant comme interprète du théâtre vénitien, dont il écriva quelques comédies…
L’école élémentaire de Marghera, commune de Venise, porte son nom…

En haut, Riccardo Selvatico (1849 – 1901), dramaturge et poète, mais aussi maire de Venise à la fin du XIXe siècle…
C’est au cours de son mandat qu’il eut l’idée de donner vie à une exposition d’art internationale…
Sous son impulsion fut créé en 1895 la Biennale d’Art de Venise qui aujourd’hui est considérée comme une des plus prestigieuses manifestations artistiques en Europe et dans le monde…

Une sculpture de son buste se trouve d’ailleurs dans les « Giardini » de Venise, lieux historiques de la Biennale, noblesse oblige…

Enfin au centre de ce portique, le célèbre comédien vénitien, Emilio Zago (1852 –1929) …
Emilio Zago joua et récita d’ailleurs des textes Giacinto Gallina et de Riccardo Selvatico mais se fit surtout connaitre par ses interprétations de la Commedia dell’Arte de Goldoni, dans le rôle du fameux « Pantalone » …
Un théâtre italien porte son nom…

Mais revenons à ma famille, but premier de notre visite au cimetière…
Mon cher tonton, Giorgio Nicolaj que j’adorais, (1919 -1994), le papà de mes trois cousines germaines…

Ma tante, son épouse, Maria Teresa Meneghini (1921 – 2000)…

Ma tante, Vanda Nicolaj (1923 -1987), la soeur de ma mère…

Sinon, comme expliqué en début de ce reportage, d’autres plus courageux que moi ont réalisé un travail exhaustif sur le cimetière de « San Michele », en particulier mon ami Claude Barrère qui a publié sur son site « Olia i Klod » de nombreux articles fort documentés à ce sujet …
Pour les amateurs et les historiens désireux d’en savoir plus, voici 3 liens sur les publications de son généreux travail…
Article1
Article2
Article3
Sinon sachez que le cimetière de « San Michele » n’est pas le seul cimetière insulaire de la lagune de Venise…
Vous trouverez des cimetières sur les îles suivantes :
« Murano »,
« Mazzorbo-Burano »,
« Sant’ Erasmo »,
« Malamocco »,
« San Pietro in Volta »,
« Pellestrina »,
Et le plus important, le cimetière de « San Nicolò del Lido » …

Auquel on peut ajouter le cimetière hébraïque qui le jouxte…

Faute de places disponibles selon les périodes, de nombreux vénitiens sont enterrés au cimetière du Lido…
Pour exemple, mon grand-père, Menotti Nicolaj, décédé en 1959, n’ayant de toute sa vie jamais quitté le sestiere de Castello fut, faute de place, automatiquement inhumé au Lido…

Il faut savoir aussi que selon les concessions, les enclos de « San Michele » ne sont pas tous gérés de manière uniforme…
À la fin des concessions les défunts sont déterrés, leurs ossements soigneusement récupérés et déposés dans des niches que d’aucuns confondent avec des columbariums comme j’ai pu le lire dans plusieurs articles sur « San Michele » …

Ce sont bien les ossements des défunts conservés dans ces niches et non leurs cendres…

Ma grand-mère, Gemma Giri, fut enterrée à « San Michele » en 1988…
De son vivant, je ne pouvais jamais rater son anniversaire, nous étions nés tous deux un 2 octobre…
Au terme de la concession mes parents préférèrent rapatrier les ossements de la « Nòna Gemma » près de chez eux, au cimetière de « San Nicolò del Lido » …

Enfin, mia Màma, ma chère Maman, Linda Nicolaj, épouse Boaretto, repose désormais en paix dans ce même cimetière depuis 2011…

Quant à nous, tant que nous serons en bonne santé, le plus tard possible…
Claudio Boaretto