En ce dimanche du 28 mai 2017, à l’occasion de la fête de la « Sensa » commémorant les épousailles de Venise avec la mer, le fort de « Sant’Andrea » est ouvert au public, rare événement…
Le fort de « Sant’Andrea » est une forteresse édifiée au XVIème siècle en la petite île éponyme sur les vestiges d’anciennes défenses…
Le projet, conçu par l’architecte Michele Sanmicheli (1484-1559), fut commandé par le « Conseil des Dix » de la Sérénissime pour protéger Venise des attaques maritimes et en particulier de l’expansionnisme ottoman…
En effet, comme vous le constaterez sur la carte ci-dessous, le fort se trouve juste devant la passe de port de San Nicolò du Lido, entrée principale de la lagune pour atteindre Venise…
(La position du fort est désignée par la croix blanche sur fond rouge tandis que la flèche rouge indique l’entrée maritime) …

Sauf que, au XVIème siècle, la presqu’île de « Punta Sabbioni », créée par les alluvions dues aux travaux humains comme les digues, n’existait pas encore, l’entrée maritime de la lagune arrivait directement devant « Sant’Andrea » et « Sant’Erasmo » d’où la nécessité de forteresses pour prendre les éventuelles flottes ennemies sous le feu de leurs canons…

Pour planter le décor voici quelques « foto » du fort que j’avais prises en juillet 2014…
Sur celle-ci nous voyons la structure sur son côté sud-ouest… Nous distinguons les bouches de canons au ras des flots, aujourd’hui murées pour ne pas que les hautes marées inondent le fort…
En tout 40 bouches de feu postées au ras des eaux afin d’atteindre les éventuels navires ennemis sous la ligne de flottaison…

Le fort vu de face…
Des deux côtés de la porte centrale les deux seules bouches de canons, plus hautes que les autres, restées en l’état, soit non murées…

Le côté nord-est

Sa symétrie sud-ouest…
Pour la petite histoire, le célèbre aventurier vénitien, Giacomo Casanova, fut retenu prisonnier dans ce fort pendant 5 à 6 mois en 1743…

Ce dimanche matin, fête de la « Sensa », à bord du bateau officiel, le maire de Venise, en lieu et place autrefois du doge, sacrifiera à la tradition en jetant l’anneau d’or dans les flots entre la passe de port de « San Nicolò » et le fort de « Sant’Andrea » …

Devant tous les bateaux réunis, la « Milizia Veneta 1°Reggimento Veneto Real » va hisser les couleurs de Venise…

Installé de l’autre côté de la passe depuis la rive du Lido, je zoome au maxi pour prendre le drapeau vénitien maintenant hissé sur le toit du fort…

Mais passons à l’après-midi de cet agréable dimanche où nous avons eu, avec nos amis vendéens, Martine et Thierry venus nous rendre visite, le privilège de visiter le fort…
Un plan d’époque des lieux donne une précise de la géométrie de son architecture…
Une des caractéristiques du fort : son armement puissant à l’avant, en front de mer en opposition à son arrière complètement désarmé en raison d’une éventuelle prise du fort par l’ennemi…
Celui-ci ne pourrait pas utiliser sa puissance de feu vers l’arrière et menacer Venise…

Sur le Web, à la page des fortifications vénitiennes, en parallèle avec le plan ci-dessus j’ai déniché une « foto » aérienne, montrant le fort tel qu’il est à l’heure actuelle, …
(Quelques flèches pour indiquer notre parcours…
Rouge : où nous avons accoster…
Jaune : la petite chapelle de l’île…
Bleu : le pont où nous avons traversé le petit canal de défense…
Rose : notre arrivée à l’arrière du fort…)

Un petit shoot sur la chapelle cachée dans la verdure, (flèche jaune) …

Un cliché depuis le pont sur le fossé défensif entourant le fort, (flèche bleue) …

Et nous voici rendu à son arrière, (flèche rose) …

La « Milizia Veneta 1°Reggimento Veneto Real », en costume d’époque, monte la garde, guide les touristes et assure la sécurité des lieux…
Ça ne plaisante pas, emprunts d’une discipline toute militaire, ils se prennent au sérieux ces gars-là …
Mais bon, ça va dans le cadre et ils sont là pour cela…

Le commandant s’éloigne…

À notre tour de pénétrer dans les lieux suivant ses pas…
Mais le voilà qui s’esquive par une porte à gauche…

Il a pris de la hauteur pour nous surplomber, le bougre…

Personnellement, je suis scotché par l’état des lieux, je m’attendais à trouver une structure délaissée et quelque peu en ruine, mais l’ensemble est très bien conservé et doté d’une architecture intéressante…

Nous pénétrons dans la salle centrale, celle dont nous avons vu la porte principale depuis l’extérieur et ses deux bouches de canons non murées…
Entrée de la salle par le sud-ouest…

Entrée de la salle par le nord-est…

La porte principale vue du dedans et ses deux bouches de canon……

Celle de gauche…

Celle de droite…

Et la sortie nord-est…

Je m’éclate à prendre ces « foto » …
Je reshoote les arcades de plus près, elles sont trop chouettes…

Une vision sur l’enfilade des bouches de canons…

Nous allons pouvoir accéder au premier étage du fort, sous surveillance de la sentinelle…

Nous gravissons les marches jusqu’à une seconde sentinelle…

Heu, ben ils ne rigolent vraiment pas les gars…

Un coup d’œil à l’arrière, sur les anciennes chambrées…

Devant nous l’arrière du fort vu de ce premier étage…

En dessous, le passage par où nous avons pénétré…
Les gardes, par mesure de sécurité, demandent aux visiteurs ne pas passer sur le dessus de cet arche …

Les visiteurs sont donc virés du passage…

C’est alors, qu’indiscipliné par nature, j’y cours pour prendre un cliché donnant en perspective la largeur du fort…

Avant d’être viré à mon tour, je shoote le bout du bas…
Tout me plait dans ce fort…

Nous empruntons le côté gauche du fort, pas moins dangereux d’ailleurs que l’endroit dont je viens d’être viré…

Nous accédons à la première plateforme sur l’avant du fort ou une autre sentinelle monte la garde…

Sur le fronton, le lion de Venise et une inscription latine commérant la victoire vénitienne sur les ottomans pendant la bataille navale de Lepanto…
« NE QUID URBI NATURA OMNIUM MUNITISSIMI DEESSENT
HAEC PROPUGNACOLA DECEMVIRI POSUERE
ALOJSIO MOCENIGO PRINCIPE
ANNO MAGNAE NAVALIS VICTORIAE »
Ma scolarité et mes « Rosa Rosam Rosis » étant déjà bien loin, je laisse le soin aux latinistes de traduire, moi j’y renonce…

Côté mer nous surplombons les défenses et les lignes de canons…
D’abord à tribord…

Puis à bâbord…

Thierry, avec son un œil de lynx, me signale des chèvres tout en bout de la ligne de défense…
Je zoome au maximum…
Effectivement, je ne les avais pas vu…

Vision semblable des lignes de défense depuis les fenêtres intérieures…

Nous grimpons maintenant au plus haut, sur le toit du fort où nous croisons encore des gardes en faction
Foto des escaliers depuis le haut…

Sur le toit, la garde du drapeau

Et la vue magnifique sur l’entrée de la passe de port…
Ce que l’on voit loin devant nous ce sont les travaux du MoSe et la Punta Sabbioni…
Si nous avions pris cette « foto » au XVIème siècle, nous n’aurions rien devant nous, que la mer et son horizon…
(Pour les deux images suivantes, j’ai pris 3 foto que j’ai fusionné pour avoir toute la longueur) …

Si nous tournons le regard vers la droite, s’étale l’extrémité du « Lido di Venezia » …
Un plaisir que de contempler notre lagune et ses îles…

La visite est quasiment terminée, nous redescendons, précédés par la garde…

Un petit coup d’œil en arrière pour un au-revoir à ce joli fort…

Arrivé à terre, nous croisons Luigi Brugnaro, le maire de Venise venu également ce jour visiter le fort de « Sant’Andrea » …
Le maire a fait voter par son conseil majoritaire, en février 2016, une délibération acceptant le passage de la propriété du fort des « Domaines de l’État » à la commune de Venise avec un projet qui prévoit un accord de valorisation des lieux entre la Commune et le « Vento di Venezia », la société qui actuellement gère l’île de la « Certosa » …
Un accord qui en théorie garantit « la plus grande jouissance publique avec des espaces pour la formation, les spectacles et la production artistique, des expositions permanentes et temporaires avec des salles de conférences et des services pour les visiteurs » …
Mais de nombreuses associations vénitiennes montent aux créneaux car cet accord prévoit également l’établissement d’un nouvel hôtel, voire deux, et d’un centre de bien-être…
Ces associations craignent que l’ensemble soit encore bradé à des investissements privés pour un tourisme de luxe…
D’autre part, la commune de Venise et ses contribuables ont-ils les moyens d’entretenir l’énorme, que dis-je, le gigantesque patrimoine immobilier et culturel dont elle a la charge ?…
C’est tout un débat…

Un dernier regard sur le fort qui je l’espère nous sera accessible à l’avenir…

Claudio Boaretto