Suite à des contraintes techniques, mise à jour de l’article « Chasse à l’Arc », article publié 2 février 2010 sur ce blog…à l’époque je ne connaissais rien à l’art de la « fotografie »
CHASSE A L’ARC -
BATTUE SILENCIEUSE FORÊT DE COMMERCY.
Contrairement aux chasseurs normaux, ceux à fusils et à carabines, nous chassons sans armes à feu et sans chiens….
Nous n’utilisons que les chiens de sang après la chasse pour retrouver le gibier éventuellement blessé. Nous traquons en silence en essayant de débusquer le gibier là où il se cache. Grimés et camouflés, nous sommes un peu les indiens de la forêt pour approcher le gibier au plus près, sans qu’il nous voie, sans qu’il nous entende, sans qu’il nous sente….

Pour seulement penser à décocher une flèche, l’on se doit d’être entre 5 et 15 mètres de l’animal de chasse….
Autant dire que la tache est ardue mais c’est tout l’art de la chasse à l’arc…. Nous ne sommes pas des tireurs, nous sommes des chasseurs, comme l’étaient nos ancêtres….

Samedi 2 décembre 2006
Aujourd’hui, ce matin plutôt, nous sommes une douzaine de chasseurs à l’arc pour cette battue silencieuse….
Nous allons attaquer la parcelle 17 en forêt domaniale….
La moitié d’entre nous vont traquer, l’autre moitié se postera sur les coulées névralgiques où les sangliers sont censés passer….
Nous avions déjà attaqué cette parcelle il y a 15 jours et plus d’une vingtaine de sangliers étaient aux rendez-vous…. Malheureusement pour nous, aucun animal au tableau, c’est souvent le sort des chasseurs à l’arc, fort heureusement notre principale motivation n’est pas de tuer, mais surtout de chasser et d’approcher l’animal….

Si j’ai un souvenir un peu amer de cette traque c’est non pas de ne pas avoir prélevé un animal mais de n’avoir pas été au bon moment au bon endroit …. :
« En effet, j’allai me placer avec Philippe B. sur la ligne séparant la parcelle 17 de la parcelle 21 et se trouvaient sur cette ligne, en particulier après une immense flaque d’eau barrant le chemin, des coulées très fréquentées….
Au « rond du matin » : « OK, je me place là, dis-je au Président », « attention, me rétorquât’ il, il y a une nouvelle coulée que j’ai marquée en rouge, il faut absolument la garder »….

Lorsque nous arrivâmes sur place je me mis à ma coulée habituelle…. Philippe qui continua à monter la ligne m’appela alors et me dit « viens là, c’est la coulée à garder marquée par le Président »….
J’allai voir, pas terrible le poste, et assez difficile pour se trouver une bonne fenêtre de tir tout en restant caché, obligé de rester presque à découvert sur la ligne….
Je restai malgré tout à ce poste, un peu de mauvaise grâce, je l’avoue….
Au beau milieu de la traque retentirent les cris tant attendus :
« Attention à la Houe à l’avant » c’est le signal pour les sangliers…
« Attention à la Houe à l’arrière » enfin, à la Houe de tous les côtés….
Nerveux à mon poste, l’arc prêt à être armé, j’écoutai….
J’entendis du bruit dans l’enceinte devant moi, je n’arrivai pas à localiser précisément la provenance, je tournai la tête vers la droite et là, au poste où je m’étais placé de prime abord, 1 cochon, 2 cochons, 3 cochons….
13 cochons passèrent la ligne !….
à 50 mètres de moi….
Quelle rage !….
Que ne suis-je resté là-bas, on se laisse toujours influencer….
Hé oui, quand on est chasseur à l’arc c’est à 15 mètres maximum du gibier qu’il faut être placé avant d’imaginer quoi que ce soi, rien à voir avec les carabiniers qui tirent tranquille à 50 ou 100 mètres….
Trop facile…

Aujourd’hui, envers et contre tout, je me mettrai à la coulée que je connais bien….
Je crois à mon instinct, le vent est plein sud, la parcelle 17 est au nord de la ligne, s’il y a fuite, certains sangliers remonteront au vent, il y a de fortes chances qu’ils passent là, j’y crois….

Un peu plus bas dans la parcelle 21, parcelle voisine, à 30 mètres il y a une fausse ligne parallèle devancée d’un petit fossé rempli d’eau vaseuse…
La vraie ligne est au dessus de moi, je suis légèrement en contrebas, je devrais voir arriver le gibier….
C’est là que je me poste….
Je me place à bon vent par rapport à la coulée afin de ne pas être reniflé par les sangliers au dernier moment….
Je sors mon petit sécateur que j’emporte toujours dans ma poche gauche, je coupe quelques arbrisseaux pour me faire une belle fenêtre de tir et j’encoche une flèche sur mon arc….
Mon arc est un arc à l’ancienne, c’est un morceau de bois sans aucun organe de visée car je pratique le tir instinctif comme nos ancêtres….
Décomposition du mouvement :

Je ne suis pas adepte des compounds, ces arcs à roulettes ou à cames avec viseur et autres gadgets modernes qui démultiplient leurs forces et leurs vitesses…
Mon arc fait déjà 55 livres de puissance et lorsque l’on arme ce dernier à fond, c’est juste quelques secondes que l’on peut le tenir armé….

Je m’assois sur ma canne-siège, et l’attente commence….
Pour une fois l’attente ne dure pas longtemps
« Attention à la Houe !…. » C’est parti !….
Une certaine fébrilité me gagne, vont-ils passer là où je le suppose ?….
Je suis à 5 mètres à l’ouest de la coulée….
Du bruit….
Ca vient d’en haut….
Ca arrive vers moi….
Je les vois….
4 sangliers….
Un moyen devant, deux petites bêtes rousses à la suite et un gros noir qui ferme la marche…. Ils me passent comme des fusées exactement là où j’avais prévu….
Je tente de flécher le second, ma flèche passe presque un mètre derrière, ils vont trop vite …. Je suis dépité !….
j’ai raté l’occasion de la journée….
Contrarié, je vais ramasser ma flèche fichée horizontalement dans la terre…. J’ai un mal de chien pour l’arracher….
Je retourne à mon poste et prend une nouvelle flèche, la lame de l’autre ne devant plus bien couper….
Je suis sombre….

mes arcs…
Un quart d’heure plus tard, j’entends de nouveau la traque :
« A la Houe à l’arrière !…. »
C’est encore pour moi, je lève la tête vers la ligne en haut et je vois deux petits sangliers venant à grande vitesse vers moi, toujours dans cette même coulée….
Je suis prêt à armer mon arc….
Soudain, tout s’arrête….
Plus de bruit….
Silence total….
Je ne les vois plus….
Ils se sont arrêtés et comme la végétation est très dense, je ne vois plus rien du tout…. J’ai le palpitant à 200 à l’heure….
Je dois avoir les oreilles dressées comme un animal aux aguets….
Ils ont du pressentir le danger….
Les secondes passent, aussi longues que des minutes….
Ca y est !….
Je les entends à nouveau….
Ils viennent de redémarrer….
Ils sortent du petit fossé d’eau vaseuse devant moi….
Je vois le premier….
Je vois le second….
Ils sont à environ 7 ou 8 mètres devant….
Cette fois je n’attends pas qu’ils sautent la ligne….
j’arme et je décoche ma flèche sur le second….
Je tire en 3/4 avant, tant pis….
Le cochon prend la flèche et pousse un couinement à l’impact….
Il saute la ligne….
Il a ma flèche plantée de la moitié, en début du tiers arrière de l’animal….
En courant il tape la flèche dans les arbrisseaux….
il couine à plusieurs reprises….
« A la Houe blessé !….» je crie pour prévenir mes compagnons….
Quand sonnent les 3 coups de trompe de fin de traque, je vais vérifier mon tir….
Olivier B, archer et conducteur UNUCR me rejoint….
Pas de sang au lieu de l’impact….
Nous balisons la coulée….
15 mètres plus loin de grandes taches de sang bien rouges….
« A mon avis, il ne devrait pas être loin » me dit Olivier….
Je reste septique et ne vendrais la peau de du sanglier avant etc……..

Une cible renard en taille réelle pour l’entrainement au tir instinctif
Après le repas nous allons vérifier le tir plus sérieusement….
Olivier ayant quelques déboires avec « Moustache » son teckel, Christian B., alias Bubu, prend son chien de sang, un bon vieux labrador et Régis M., demeurant non loin du bois, va chercher chez lui son fusil, au cas où l’animal blessé se relèverait….

Et la recherche au sang commence….
La végétation est vraiment très épaisse….
Le cochon a suivi la coulée que nous suivons à notre tour…. Il y a de plus en plus de sang…. Plus nous avançons, plus il y a de sang….
En moi-même, je pense, « il se vide complètement »….
je suis quasiment certain maintenant que nous allons le retrouver…
Au bout de cent mètres Bubu retrouve la flèche…. Recouverte de sang, elle est à peine un peu voilée vers la lame….
Nous avons parcouru maintenant un peu plus de 150 mètres….
Soudain Bubu crie « Hallali !…. »….
C’est le soulagement….
Il est là couché….
Une bête rousse de 40 kilos….
Il s’est écarté de la coulée à l’ultime instant pour rendre son dernier souffle….
Ma flèche a coupé l’artère iliaque, hémorragie immédiate, il s’est vidé immédiatement de son sang…. Il a dû courir une minute ou deux maximum avant de s’écrouler….
Mes compagnons sont presque plus heureux que moi…. Ce sont deux vieux copains…. Je les ai connu tous deux il y a plus de 20 ans, au début de la chasse pilote de la zone rouge de Verdun, à l’aube des années 1980….
ils me tapent sur l’épaule et m’embrassent tous les deux….

Bubu déclare, non sans une légère fierté dans la voix : « c’est le 129ème cochon retrouvé par mon chien…. »
Un moment de bonheur pour des chasseurs à l’arc…
Je ne pratique plus la chasse à l’arc depuis 10 ans que je demeure à Venise, cette chasse étant interdite en Italie…
Claudio Boaretto