Samedi 7 décembre 2019, les guides touristiques de Venise organisaient de nombreuses visites guidées et payantes pour soutenir les travaux urgents de réparation des dommages de la « Scuola Grande San Giovanni Evangelista » causés par « l’aqua alta » du mardi 12 novembre, les visiteurs donnant une participation financière libre…
Nous décidons de participer à la visite de la « Scuola Grande della Misericordia » (La Grande École de la Miséricorde)…
Ne nous méprenons pas sur le terme « École »…
L’origine des « Scuole Grandi », ou « Schole Grandi » en vénitien, provient d’anciennes congrégations médiévales dédiées à la prière et, en certaines occasions, à la mortification de la chair que les frères s’infligeaient à eux-mêmes avec l’usage du fouet. Ces dernières furent contrecarrées et interdites par le Gouvernement de la République de Venise opposé à l’extrémisme religieux…
La dénomination de « Schola grande » utilisée dans la période du XIIIe au XIVe siècle, s’avère donc du point de vue formel impropre ; par la suite la République de Venise s’ingéra profondément dans les « écoles », en contrôlant pleinement leurs activités et les poussant vers la bienfaisance publique et la solidarité…
Au XVe siècle, les « Schole Grandi » deviennent des institutions sociales respectables et souvent riches, se consacrant à diverses activités philanthropiques et à la gestion du patrimoine accumulé par des legs de grandes familles vénitiennes…
Un système des commandes d’œuvres d’art s’organise à l’intérieur d’un réseau complexe d’échanges et de conflits, d’intérêts économiques corporatifs et contributions patriciennes occasionnelles. Dans ce processus très élaboré, le parti pris décoratif compte peu au regard de la volonté d’affirmation du prestige d’un particulier, d’un groupe ou d’une institution…
Voilà pour situer le cadre historique…
Il existe 7 Grandes Écoles à Venise :
Scuola Grande dei Carmini (fin du XVIIe siècle)
Scuola Grande di San Teodoro, instituée en 1522,
Scuola Grande di Santa Maria della Carità, instituée en 1260,
Scuola Grande di San Marco, instituée en 1261,
Scuola Grande di San Giovanni Evangelista, instituée en 1261,
Scuola Grande della Misericordia, instituée en 1308,
Scuola Grande de San Rocco, instituée en 1478…
Nous voilà partis pour la visite guidée de la Grande École de la Miséricorde…
Cette Grande École se singularise par son dédoublement, nous distinguons la « Scuola Vecchia » et la « Scuola Nuova » (la vieille et la neuve)…
L’école construite en 1318, à côté de l’église abbatiale de Cannaregio, s’avère vu le nombre toujours croissant de membres trop petite et conduit à la construction de la « Scuola Nuova della Misericordia », projet confié en 1507 à l’architecte Alessandro Leopardi, qui commença la construction. Les travaux se poursuivirent avec Tullio Lombardo pour s’achever en 1545 avec Jacopo Sansovino, tandis que le transport du mobilier sacré ne s’effectua solennellement qu’en 1589…
Comme je désire « fotografier » les extérieurs des « écoles », nous arrivons en avance, passant sous les arcades de la « Scuola Vecchia » pour déboucher sur le « Campo de l’Abbazia »…

Sur le campo, la face de la « Scuola Vecchia », non prévue dans la visite guidée, nous ne visiterons que la « Scuola Nuova »…

Un quart de tour sur la gauche et, de l’autre côté du « Rio della Sensa », nous trouvons l’arrière de la « Scuola Nuova », bien plus haute et imposante que la « Vecchia »…

Tellement imposante que j’éprouve quelques difficultés à la shooter dans son ensemble, pas assez de recul, même avec mon objectif grand-angle je suis obligé de prendre 2 « foto », le bas et le haut pour ensuite les assembler sans vraiment pouvoir corriger les défauts de perspective dus au grand-angle…

Comment faire alors pour la shooter l’école dans sa longueur ?… Mission impossible ?…
Regardant de l’autre côté du large « Canale della Misericordia » je repère entre deux palais un petit bâtiment blanc avec un porche donnant sur le canal… Si porche privé, « foutu », si porche public, que voilà un bon post pour shooter le profil de la bâtisse…

Je tente l’aventure, pas évident de trouver le chemin, deux ponts à passer, puis un sotoportego pour rejoindre la « Calle della Racheta » et au bout de la calle, coup de chance, le sotoportego est public ! …
Je vous mets le parcours, les deux flèches jaunes représentant la direction de mes clichés…

L’école dans toute sa longueur, je suis satisfait…

Avec même un petit cadre dans le cadre…

Visant sur la droite, la « Scuola Vecchia » et « l’Abbazia Santa Maria Valverde»…

Revenus à notre point de départ, la visite guidée commence…
Par la porte avant principale nous pénétrons dans l’école…
S’offre à notre regard un immense salon divisé en trois parties par de grandes colonnes corinthiennes élevées sur de hauts piédestaux…

Je m’avance jusqu’à l’extrémité de cette très grande salle pour prendre le salon depuis le fond où devant la porte d’entrée se rassemblent les visiteurs attendant le guide…
Je constate que cet immense salon ne contient aucun mobilier, aucune statue, aucune peinture, aucune sculpture… Un salon vide d’œuvres d’art mis à part le bâtiment en lui-même…

La guide rassemble tout le monde au milieu de cet espace et commence et commente dans des explications de détails ; l’architecte machin à construit cela, repris par l’architecte chose tandis que le prélat untel a commandé ceci, etc., etc. …
Une heure plus tard, toujours debout au même endroit, la moitié des gens perd le fil du discours, moi le premier, certains même fatigués s’assoient carrément parterre…

Je m’éloigne du groupe et mon œil de petit « fotograf » cherche des angles originaux à « fotografier »…

Heu, pas évident…

Mis à part les murs, les colonnes et les fenêtre, rien à voir…

Je repère le grand escalier au milieu de la salle et l’emprunte subrepticement…

Arrivé au premier palier, une petite volée de marches sur la droite nous mène au second palier…

Où une troisième volée de marches, plus grande, semble mener directement à l’étage supérieur…

Je débouche alors sur une grande salle occupant tout l’étage avec une impression de vide plus grande encore qu’au rez de chaussée, du fait de l’absence des colonnes…
Vue dans un sens…

Vue dans l’autre…

Une plaque sur un mur que mon latin scolaire enlisé dans les méandres de ma mémoire ne sait plus traduire…
Je n’arrive même pas à déchiffrer la date, si je pars du « D » je lis 788 mais je ne sais interpréter le C, le I, et le C à l’envers devant ; avis aux amateurs, donnez-moi la réponse…

Entre chaque fenêtre les portraits sur pied des douze grands prophètes peints par Alvise da Friso, neveu et disciple du grand Paolo Vérones mais dont le talent n’atteint pas celui du maître…
Salomon…

Prophètes entre des colonnes et projetant une ombre pour faire croire à des statues en relief, une sorte de trompe l’œil, mais qui ne trompe personne… Des peintures mal vieillies, fades et très abîmées…
Zacharie…

Donc à part les murs et les fenêtres, rien à shooter…
Je tente un angle…

Je redescends au second palier…

Depuis le premier palier, je constate avec stupeur que les visiteurs debout à la même place écoutent toujours le discours de la guide…

Je fais un petit signe à ma compagne et nous nous éclipsons discrètement de la compagnie et de la salle…

Une fois dehors, nous ne regrettons pas notre participation financière, c’était pour la bonne cause, mais sommes déçu par cette visite guidée…
Pour me consoler, tout près de l’école je shoote le pont « Chiodo », le seul pont de Venise sans parapet…

Claudio Boaretto