LA « RIVA DI CORINTO » AU LIDO DE VENISE
Posté par Claudio Boaretto le 30 juillet 2020
Ce vendredi-là, je profitais de quelques courses à faire dans le quartier pour mettre un appareil-foto dans mon vieux 4X4 et m’arrêtais sur la « Rive de Corinthe » pour shooter les lauriers en fleurs…
(Vous n’êtes pas sans savoir que le Lido et Pellestrina sont les deux seules îles lagunaires où existe une circulation routière presque normale…)
Après plusieurs semaines de chaleur à 30 degrés le jour, plus de 20 degrés la nuit, un vent de Nordet, la Bora pour ne rien vous cacher, venait avec bonheur rafraîchir l’atmosphère et un temps pluvieux m’accueillait sur la Rive…
Je me garais sur un espace fort pentu…
Autant vous dire que je prenais soin de bien serrer le frein à main et d’enclencher une vitesse car nulle envie que ma vieille « Tuture » fasse un plouf direct dans la lagune…
Le temps maussade et ses quelques gouttes de pluie ne m’empêchaient pas de « fotografier » l’enfilade de lauriers fleuris bordant la petite rue longeant la rive…
Un shoot à droite…
Un shoot à gauche…
Depuis la rive, malgré le temps chagrin, je jouissais de la vue privilégiée sur Venise…
Mais quand le soir je développais mes « foto » je constatais : « trop triste ce ciel gris se reflétant sur la lagune »… Je retournais donc le lendemain à la même heure au même endroit pour reprendre les mêmes « foto » mais sous le soleil…
Quelle différence !…
À quelques 500 mètres sur mon tribord, tout près du Lido, l’île de « Lazzaretto Vecchio » de 2,5 hectares, en français: « Vieux Lazaret »…
En 1423, la République de Venise créa le premier « Lazaret » de l’Histoire et le principe de la « quarantaine » pour l’isolement des personnes, des animaux et des marchandises provenant principalement des « Mers du Levant »…
Ça nous parle en cette période de pandémie…
Le « Lazzaretto Vecchio » fut fort utilisé pendant l’épidémie de peste de 1630-1631 et les récentes fouilles permirent de découvrir d’immenses fosses communes pour des milliers de sépultures…
Cette île deviendra bientôt le musée archéologique de Venise…
Foto ensoleillée du lendemain, quand même plus joyeuse…
Je tournais mon boitier de plusieurs dizaines de degrés sur bâbord pour capturer dans mon viseur, à 2 kilomètres, l’île de « San Clemente » d’environ 7 hectares…
« L’île fut un refuge pour les Croisés en route vers la Terre Sainte. Une église construite en 1131, suivi d’un monastère où habitèrent divers ordres jusqu’en 1645, quand les moines de l’Ordre camaldule arrivèrent et restaurèrent l’église avec l’aide de la noblesse vénitienne… En 1810 les Camaldules quittèrent l’île qui devint le siège des garnisons militaires pour défendre Venise… de 1873 à 1992 elle se transforma en « Manicomio » (asile de fous)… »
Depuis 2003 un complexe hôtelier de luxe occupe l’île, le San Clemente Palace Kempinski Venice…
Foto ensoleillée du lendemain…
Quelques degrés de plus à bâbord pour découvrir à 3 kilomètres l’ile « Sacca Sessola » aussi connue sous le nom d’île des Roses, (16,03 hectares), la plus jeune des îles de la lagune de Venise mais déjà une histoire bien remplie :
1860/1870 –
L’île créée artificiellement, par l’apport des déblais récupérés lors du creusement des canaux de la gare maritime. Dépendant initialement de l’administration royale, elle fut donnée en 1875 à la ville de Venise.
1898 –
Projet d’établir un hôpital pour les maladies contagieuses endémiques.
1904 –
Certains bâtiments sont rénovés et convertis pour une utilisation hospitalière.
1909 –
fin des travaux de rénovation.
1913 –
La maison du directeur est construite dans le style roman. Les travaux agricoles prennent de l’ampleur. Après la fin de l’épidémie de choléra de 1911, il a été décidé de modifier la destination de la structure.
1914 –
Inauguration de l’hôpital San Marco pour le traitement de la tuberculose pulmonaire, où sont transférés les malades jusque-là admis à Santa Maria della Grazia. Pendant la Première Guerre mondiale, le sanatorium, cependant, est resté fermé, et ne sera rouvert qu’en 1920.
1921 –
Une église est construite en style néo-roman.
1923 –
Construction d’un pavillon de loisir.
1927 –
La Ville de Venise fait don de l’île à une entité d’État pour que soit construit un nouvel hôpital de 300 places.
1931 –
Début des travaux de la construction du bâtiment qui abritera le nouvel institut.
1936 –
Inauguration par le roi Vittorio Emanuele III de l’Hôpital de Pneumologie Achille De Giovanni. Autour des pavillons ont été réalisés : le grand parc, la centrale thermique, les magasins, les ateliers, le club de loisirs avec le cinéma et le château d’eau.
1979 –
L’Hôpital cesse ses activités et commence un lent processus d’abandon et de délabrement.
1981 –
La propriété de l’île est transférée à la Ville…
1992 –
Le conseil municipal de Venise confie l’île au Centre International des Sciences et Technologies marines de l’UNESCO, qui mène des recherches dans le domaine des sciences et technologies marines.
En 2000 vente de l’île à une société multinationale en vue de sa transformation en complexe hôtelier de luxe, comme d’habitude…
Ouverture en 2015 d’un luxueux “Resort” avec 206 chambres, des suites, un centre de congrès avec divers espaces et salles aux fonctionnalités variées,
Entouré de jardins et d’oliviers, équipé d’un centre de bien être, un spa et des piscines extérieures, intérieures et suspendues, plusieurs restaurants, des bars, un ponton, un « port de plaisance » et un héliport…
Foto ensoleillée du lendemain…
Encore à bâbord, à un kilomètre et demi, la petite île de « San Spirito », 200 ares… Comme de nombreuses îles lagunaires elle fut d’abord occupée par divers ordres monacaux pour devenir ensuite un lieu de garnison militaire…
Abandonnée depuis 1960, désormais en ruines…
Vendue par les domaines au début des années 2000 à une société immobilière qui ne l’a jamais entretenue et qui cherche désormais à la revendre dans le seul but d’encaisser les bénéfices d’une plus-value…
Malheureusement à quand un nouvel hôtel luxueux sur cet îlot au lieu d’un espace public ouvert aux vénitiens ?…
Foto ensoleillée du lendemain…
Enfin, complètement à bâbord, l’île de « La Poveglia » de 727 ares, sise à 500 mètres du Lido…
« Au XVIe siècle, l’île fut transformée en lazaret (le Lazzaretto Vecchio et le Lazzaretto Nuovo étaient saturées), permettant d’accueillir les personnes malades de la peste. Les rumeurs locales racontent que plus de 160 000 de ces personnes y furent enterrées. De grandes fosses y auraient été ainsi creusées et d’imposants bûchers installés afin de brûler les corps.
Au cours du XIXe siècle, l’île fut centre de quarantaine, usage maintenu jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle elle fut occupée par les soldats et où on déposa les cadavres de victimes.
Par la suite, Poveglia accueillait également une maison de convalescence et de repos pour les personnes âgées, et ce jusqu’en 1968. »
Ces dernières années, elle défraya la chronique internationale :
« En 2014, le gouvernement italien annonce son intention de se séparer de l’île, qui fait partie du domaine de l’État. Cette démarche entre dans la politique de vente du patrimoine étatique visant à réduire l’endettement de l’État italien. Poveglia est mise aux enchères pour un bail d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans par les Domaines. Pour éviter que ce lieu historique ne devienne un lieu de villégiature pour les plus fortunés de la planète, les Vénitiens créèrent une association, « Poveglia per Tutti ». Pour tenter de remporter les enchères, chacun peut participer à hauteur de 99 € et avoir ainsi sa part dans l’avenir de l’île. (Je fais partie de cette association)…
Malgré la mobilisation des Vénitiens permettant de rassembler 440 000 euros, la vente aux enchères est remportée par l’homme d’affaires Luigi Brugnaro, (actuellement maire de Venise) avec une offre de 513 000 euros, en mai 2014. L’offre de cet acheteur est rejetée en juin 2014 par l’agence publique italienne chargée de la vente qui disposait de trente jours pour valider l’offre d’achat. Celui-ci comptait bien transformer les bâtiments en hôtel de luxe… »
Hé oui, nous savons bien que Brugnaro est acoquiné avec les lobbies hôteliers…
Foto ensoleillée du lendemain…
Retour sur la « Riva di Corinto » devant ces bosquets de lauriers fleuris égayant le morne temps pluvieux…
Côté lagune…
Côté habitations…
Nous reconnaissons bien le style « Liberty » typique des maisons du Lido…
Sur la rive, ces pins maritimes affectueusement penchés au-dessus des bancs publics pour nous protéger du soleil…
Ou nous abriter de la pluie…
La « Riva di Corinto », une très jolie promenade agréable et tranquille…
Avec cette vue panoramique imprenable à 180 degrés sur Venise…
Et sur les îles lagunaires…
Claudio Boaretto
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