Plus encore que le château de Gavaudun, le château de Bonaguil mérite bien le titre de « Château Fort » et je ne puis que me plagier moi-même en me répétant cette phrase :
« Fantastique ! cette première vision nous renvoie vers nos imaginaires de jeunesse peuplés de chevaliers et de châteaux forts, illustrés par tant de films d’aventures relatant les épopées romanesques de l’époque » …

Un peu d’histoire :
Bonaguil… Château fort du XIIIème fortement remanié au XVème siècle par le baron Bérenger de Roquefeuil qui lui ajoute tous les perfectionnements défensifs au niveau de l’artillerie tant pour l’utiliser que pour s’en prémunir…
« imposante barbacane couvrant l’accès au château, canonnières par dizaines tant dans les six tours que dans les courtines, chambres de tir casematées à l’abri des boulets adverses et permettant des tirs bas et rasants, « moineau » casematé interdisant toute circulation au fond du grand fossé, terrasses d’artillerie étagées au pied du corps de place qui constituent autant d’enceintes successives à forcer, aménagement à des fins défensives d’une grotte naturelle située sous l’éperon rocheux. »…
En 1761 le château est vendu à Marguerite de Fumel comtesse de Giversac qui réalisa quelques travaux de confort…
« Les constructions d’agrément du XVIIIème siècle, Marguerite de Fumel séjourne en effet régulièrement au château de Bonaguil. Elle fait donc aménager le château, notamment dans le logis. À cette époque, la fausse braie à l’ouest du château est agrandie et aménagée en une grande terrasse et devient un lieu de promenade et d’agrément. De nouveaux appartements sont construits au sud, en dehors de l’enceinte intérieure, bénéficiant ainsi d’une meilleure exposition. La châtelaine donne des fêtes. Une partie des remparts est abattue afin de donner une vue sur la vallée. »
À la Révolution Française le château est confisqué, les toits et les créneaux rasés, les planchers et boiseries démontés, tout le mobilier dispersé…
Il est racheté par la commune de Fumel en 1860…
Du haut de son éperon rocheux, aux confins du Lot-et-Garonne et du Lot, le château de Bonaguil domine la vallée et le village médiéval…

Situé à 30 kilomètres de chez nous, nous arrivons sur les lieux à 14h30 mais la visite guidée commence à 15h30…
Nous décidons alors de découvrir le donjon par nous-même avant la visite guidée…
Nous entrerons par la seule entrée située au nord (flèche rouge) qui nous permettra de pénétrer dans la barbacane, puis dans la cour d’honneur pour monter dans la tour (flèche verte) et visiter les différents étages du donjon (flèche bleue)…

L’entrée de la Forteresse…

L’intérieur de la barbacane, terme du moyen âge désignant un ouvrage de fortification avancé protégeant un passage ou une porte, en l’occurrence la barbacane protège l’entrée de la cour d’honneur donnant accès au donjon que nous voyons au fond …
Remarquons le donjon épousant l’éperon rocheux en forme d’aiguille (qui donne bonne aiguille = Bonaguil) ne prêtant pas ainsi le flanc à l’artillerie de l’éventuel ennemi contraint d’attaquer par le nord…

Sur cette foto prise un peu plus tard du haut du donjon nous appréhendons bien barbacane et ses murs de quatre mètres d’épaisseur résistants au boulet en pierre du moyen-âge, l’attaquant étant supposé descendre de la colline à l’époque rasée, sans arbres, pour voir l’ennemi arriver…
Sur la gauche, l’église paroissiale Saint-Michel et sa chapelle castrale où furent inhumés le baron Bérenger de Roquefeuil et la comtesse Marguerite de Fumel…

La porte d’entrée de la cour d’honneur où le pont dormant remplace le pont levis…
Sept ponts levis existaient du temps de Bérenger, tous convertis en pont dormants à la Renaissance par Marguerite de Fumel, époque où les châteaux n’étaient plus attaqués et se transformaient en demeures d’agrément…

Vue d’ensemble, façade Ouest…

Dans la cour d’honneur, devant une tour de défense, deux visiteurs dans l’expectative devant la hauteur du donjon dont on entrevoit une partie de l’escalier à gauche…

L’escalier droit donne accès à la tour donnant elle-même accès au donjon…

Nous entreprenons l’escalade de l’escalier à vis de la tour d’accès…

Quelques meurtrières laissent passer la lumière…

Nous passons devant des portes parfois closes…

Parfois ouvertes…

Donnant accès sur les appartements des différents étages du donjon…

Les fenêtres à meneaux avec leurs volets intérieurs…

Présentation de costumes d’époque dans leur cadre…

Cheminée sous la voûte d’ogive

Costumes de ses seigneuries…

Nous reprenons l’escalier à vis…

Pour atteindre la terrasse du donjon… Ouf, contents d’arriver au faîte de la tour…

Où flottent les couleurs des seigneurs du château de Bonaguil…

Les 18 cordelières sur Gueule et Or de la famille de Roquefeuil-Blanquefort, Argent et Azur de la famille de Fumel…

Vue imprenable sur la colline au nord, autrefois sans arbre mais en cultures pour nourrir le village et le château…

Vue sur le château et les tours rasées de leur toits depuis la révolution…


Du dernier palier de l’escalier à vis, nous entamons la descente…

S’arrêtant aux étages zappés à la montée…
Certaines salles transformées en lieux d’exposition…

Celle-ci, très spacieuse, occupe une grande surface du donjon, vraisemblablement la salle seigneuriale…

Sortis du donjon, nous rejoignons la visite guidée où le guide bavard nous ramène dans la barbacane… Du coup tous les visiteurs se sont assis à l’ombre…
Un bon quart d’heure de discours agrémenté d’anecdotes et d’humour un peu lourdingue avant de commencer la visite proprement dite…

Il nous fait visiter le dépotoir…
Là où le seigneur et ses gens vidaient leurs ordures… Vous m’en direz tant…

Les dessous du colombier…

Plus intéressant, le dernier pont levis subsistant, épargné par Marguerite de Fumel…
Amoureux des pont-levis, je le shoote devant…

Je le shoote derrière…

Et de profil…
Rares sont les pont levis en état, par exemple à Venise, sur les 435 ponts de la Sérénissime, un seul demeure à levis venant d’être restauré…Cette imposante poutre en bois actionne le pont…

Le pont levis de plus loin…

La boulangerie du château, le fournil et ses fours…
Pain blanc pour la maisonnée, pain noir au son pour le petit peuple…

Le puit attenant à la cuisine, 48 mètres de profondeur ! …

Comme l’explique ce panneau plus concis que notre guide…

Une colonne servant à récupérer l’eau de pluie répartie par des conduits en pente alimentant différents endroits du château…

Le guide nous entraine ensuite dans une salle basse de défense…

Nous restons encore de longues minutes debout à écouter le guide par trop loquace, nous expliquer le pourquoi du comment…

Alors que le petit panneau sur le mur de la salle nous a déjà tout raconté en 4 lignes et un dessin…

Le plus remarquable dans cette salle étant le plafond spiralé réalisé à l’aide d’un coffrage enlevé après séchage des mortiers… (lu dans le petit dépliant explicatif du château)…

La façade Est du donjon…

Sous le château, les grottes agrandies par Béranger et aménagées à des fins défensives…

Puis ouvertes côté Nord par Marguerite de Fumel afin d’accéder plus facilement au grand fossé puis à sa terrasse…

Les fossés du château, jamais remplis d’eau…
Une ou deux portes extérieures permettaient d’y accéder mais se révélaient en réalité un piège, les éventuels ennemis pénétrant dans les fossés se trouvaient pris dans une souricière par les tirs croisés et rasant venant de la base des tours, des remparts et du moineau casematé…

Avant que le guide nous amène devant le moineau pour continuer son long discours,

Je prends de l’avance pour shooter le moineau tout à mon aise…
Ne pas confondre avec le zoizeau…
Moineau, petit ouvrage fortifié apparu dans l’architecture militaire au XVe siècle afin de compléter le dispositif défensif des systèmes de fortification… Le moineau de Bonaguil fut l’un des premiers en France, comme quoi un baron Béranger bien au fait des systèmes de défenses militaires modernes pour l’époque…

Dans l’autre sens nous voyons également à droite une des canonnières rasantes de la tour ainsi qu’une autre en hauteur…

Et le petit panneau qui résume en 30 secondes le quart d’heure du guide…

Quittant les fossés nous pénétrons dans la tour de défense carrée par les chicanes, autre système défensif contre les éventuels envahisseurs…

L’ennemi ne pouvait y pénétrer qu’un par un avec trois portes à franchir, le temps de se faire fusiller allégrement par les défenseurs…

La tour carrée infranchissable de l’extérieur, de l’intérieur la défense de sa porte était parfaite, placée en hauteur et commandée par un pont levis, son approche se faisait sous surveillance de deux canonnières frontales et une dans le dos. Un gond inversé empêchait de la dégonder, un seuil élevé interdisait le pied de biche et une barre de bois bloquait l’intérieur…
Un château imprenable, résultat, il ne fut jamais attaqué…
Comme quoi les armes de dissuasion ne datent pas d’hier…
Pour manifester sa puissance et sa révolte face au pouvoir royal, Bérenger de Roquefeuil consacra quarante années à ces travaux de défense, bravant l’interdiction par le roi Charles VII de la construction de fortifications privées :
« J’eslèveroi un castel que ni mes vilains sujets ne pourront prendre, ni les anglais s’ils ont l’audace d’y revenir, voire les plus puissants soldats du Roy de France »…

Nous avons fui le guide (plus de deux heures de discours, parfois intéressant, mais bon, chacun ses limites) et nous voici sur la terrasse à l’Ouest du château…
Du temps de Béranger un rempart protégeait ces deux tours, rempart rasé par Marguerite de Fumel pour y créer un jardin à la française, aujourd’hui disparu, qu’elle faisait admirer à ses invités depuis les fenêtres à meneaux de ses appartements entre les deux tours…

Pour terminer je vous représente les deux clichés de la découverte du château au début de ce reportage illustré, agrémentés d’un peu de verdure…

Une belle découverte que ce château fort de Bonaguil…

Claudio Boaretto