Après le côté « Giardini » de la Biennale d’Art contemporain de Venise, le jour suivant nous attaquons le côté « Arsenale » aussi rempli et intense que les « Giardini »…
Suite aux commentaires reçus précédemment, cette fois, au lieu de vous livrer les explications officielles ex abrupto sur les œuvres, souvent incompréhensibles, frisant parfois même le ridicule, je vais tenter, dans la mesure du possible, une synthèse des explications collectées sur la Toile, rédigées en français, en italien, en anglais ou autres, toutes les nations étant présentes à la Biennale…
Dans l’immense espace de la « Corderie » de l’Arsenal « Brick House » nous accueille, œuvre de Simone Leigh, artiste ayant transformé en case africaine le pavillon d’architecture néo-classique des USA comme nous le constations dans la 1ère partie des Giardini…
Statue de bronze de près de 5 mètres de haut, dont le corps ressemble à une hutte en terre battue, surmonté d’une tête dont les traits correspondent au visage du sphinx exposé au pavillon des États-Unis…
Je note son manque de regard…

Gabriel Chaile, artiste argentin présente ses œuvres, cinq sculptures-fours mettant en scène, en grand format, des membres de sa famille.
La figure centrale Rosaria Liendro, sa grand-mère maternelle…

Travaux à base de matériaux, de formes et d’archétypes hérités de la civilisation précolombienne, réalisés dans une perspective symbolique à la fois tendre et humoristique…

Ses sculptures caractéristiques dérivent d’une théorie qu’il appelle « la généalogie de la forme » : en s’appuyant sur des objets tels que des pots et des fours en argile qui prennent souvent des traits anthropomorphes. Il invoque la relation des récipients traditionnels argentins à la nourriture, au soutien, la collaboration et les activités…
Souvent j’inclue des visiteurs sur les clichés pour appréhender la taille des œuvres…

« Gwendolyn » sculpture de Niki de Saint Phalle, de son vrai nom Catherine Marie-Agnès de Saint-Phalle, franco-américaine, (1930-2002) plasticienne, peintre, graveuse, sculptrice et réalisatrice de films, elle débute sa carrière professionnelle en tant que mannequin…
« Gwendolyn » appartient à une série d’œuvres qui se nomme Nanas, réalisées en Résine de Polyester et structure métallique puis peintes en couleurs luisantes. Volumineuses, rondes elles possèdent un aspect joyeux…

Si les courbes larges et sinueuses de Gwendolyn n’accentuent pas suffisamment sa grossesse, alors la bulle peinte sur son ventre l’annonce fièrement…

Myrlande Constant, artiste textile haïtienne spécialisée dans les drapeaux vaudou…
En 1990, elle débute sa fabrication de drapeaux de style vaudou, elle influence et modifie cette forme d’art jusqu’alors réservé aux hommes…
De nos jours, elle réalise des tableaux monumentaux dans laquelle elle incorpore des perles…

Elle change radicalement la tradition en utilisant des perles de verre au lieu de paillettes. Après trois décennies consacrées au médium, la méthode et le style de Constant influencent chaque artiste « drapo vodou » travaillant aujourd’hui. Les drapeaux de Constant sont de grande taille, souvent jusqu’à deux mètres de large, tendus sur des cadres en bois…

Ruth Asawa ; artiste étasunienne née à Norwalk, USA (1926 – 2013)…
Détenue de force en 1942 par le gouvernement américain dans un camp d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés de sa famille et de milliers d’autres personnes d’origine japonaise, y compris des animateurs de Walt Disney, qui l’aidèrent à apprendre le dessin et la peinture…
Asawa construit des sculptures suspendues, transformant des matériaux industriels de tous les jours…
En 1952, elle réalise « Hanging Eight Separate Cônes », huit cônes tressés et suspendus par un fil. Elle utilise du fil de fer mais aussi du fil de cuivre, de laiton et d’aluminium, galvanisé et oxydé… Des formes sphériques sinueuses et gracieuses, qui, bien que tridimensionnelles en volume, ne contiennent aucun intérieur…

Safia Farhat, artiste tunisienne (1924-2004), dessinatrice, peintre, céramiste mais aussi tapissière et décoratrice…
Après l’indépendance de la Tunisie en 1956, Safia Farhat devient la première femme tunisienne à enseigner à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis, elle en devient même la directrice…
L’instrumentalisation du tissage par Farhat est comprise comme un hommage moderniste à une tradition fondée sur le travail des femmes. Une combinaison de motifs géométriques audacieux, de couleurs vives et de motifs figuratifs tissés à partir de laines teintes et filées à la main…

Mélangeant différentes hauteurs de poils et textures, l’imposante œuvre prend une allure de collage, « représentant un paysage verdoyant parsemé d’un cheval au galop qui semble se précipiter dans un terrain fantastique de formes abstraites »…
Le paysage verdoyant, d’accord, mais pas vu le cheval ?!…

Emma Talbot, artiste britannique utilisant le dessin, la peinture, l’installation et la sculpture…
Une frise grandiose attire d’emblée le regard comme ce visiteur en arrêt devant l’œuvre…
Les peintures, dessins, animations et sculptures à grande échelle de Talbot incorporent une figuration simplifiée, des motifs mythologiques, des motifs rythmiques, des couleurs vives et des textes calligraphiques pour exprimer des aspects des expériences personnelles et intérieures…
Au passage admirons ce magnifique espace, la Corderie de « l’Arsenale di Venezia », peuplé de colonnes permettant l’exposition de ces œuvres immenses…

Tirant son titre du tableau historique de Paul Gauguin de 1897-1898, peint dans un moment de crise profonde et de prise de conscience existentielle,
« Where do we come from? What are we? Where are we going? – D’où venons-nous? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? »,
Talbot aborde le désir humain d’évasion dans notre présent écologiquement catastrophique…
Ces trois grandes questions philosophiques figurent, sans les points d’interrogation, en haut à gauche de cette splendide frise mesurant 139cm X 375cm…

Ses figures féminines élégamment gainées dans des tissus de soie peints par l’artiste, touchent des thèmes tels que l’origine et le sens de la vie, à l’aide de motifs mythologiques ou de motifs issus de ses réflexions personnelles…
Une femme terrasse un serpent et lève le bras surement en signe de victoire…

Une autre femme de couleur rose semble accoucher, en tenant un serpent qui semble être le cordon ombilical…

Candice Lin, artiste étatsunienne interdisciplinaire travaillant dans l’installation, la sculpture, le dessin, la céramique et la vidéo…

Lin adopte des tactiques d’exposition souvent associées à l’anthropologie et à l’histoire naturelle…

Sorte de laboratoire excentrique de techniques mixtes qui conjugue science et médecine traditionnelle, art et ex-voto, sacré et profane…

Je ne trouvais pas grand-chose sur la signification précise de ses sculptures…

Libre-cour donc à votre ressenti…

Aage Gaup (1943-2021) artiste Norvégien et Sami, sculpteur, scénographe et militant politique, figure centrale de l’art sàmi… Il travaillait des matériaux tels que le bois, le béton ainsi que l’aluminium et réalisait des éléments abstraits et figuratifs…
« Sculpture I & II (1979) », l’œuvre ressemble à une vague, un nuage, suspendue dans les airs. Une bande bleue peinte en bas, jaune au milieu et orange en haut suggèrent une rivière avec sa rive et peut-être le ciel ou le lever du soleil au-dessus….

Ali Cherri né en 1976 à Beyrouth au Liban, vit à Paris en France…
Les Titans en terre cuite réalisés par l’artiste libanais évoquent les divinités de la mythologie antique qui racontait l’histoire de ces êtres fantastiques apparus aux origines du monde…

Modelés par l’artiste contemporain à la manière des anciens, les Titans évoquent le début d’un effritement et la menace d’une disparition combattue par la volonté de durer d’un esprit tourné vers l’avenir…

L’artiste indien Prabhakar Pachpute combine le politique, le personnel et le surréaliste… Dans son travail, il explore les questions de l’industrie, de la terre, fortement influencé par ses origines, son éducation et le travail de ses ancêtres dans les mines de Chandrapur…
Pour « Unfolding of the remains II » (Dépliage des restes II) ce tableau de plus de 10 mètres montre une excavation dans laquelle la coque du bateau est visible.
Prabhakar Pachpute s’inspire de la découverte d’un bateau romain dans des mines situées en Serbie. Un paysage désertique s’offre aux yeux des spectateurs ponctués d’animaux symboliques de l’Inde comme l’éléphant et le tigre du Bengale. Des engins d’excavation avec des allures plutôt surréalistes sont présents…
À droite du tableau une sculpture…

« The Underground nest over the dune II 2022 » (Le nid souterrain au-dessus de la dune II 2022) , sculpture mi-cheval mi-scorpion possédant une queue dont l’extrémité est une lanterne, elle peut représenter un fanal de navire ou bien une lampe comme les mineurs utilisaient fréquemment…

L’artiste canadienne Tau Lewis présente l’installation « Divine Giants Tribunal 2021 » (Tribunal des Géants Divins 2021), composée de trois masques…
Le premier « Angelus Mortem »…

Tau utilise différents tissus, de la fourrure et du cuir, des perles, de la peinture acrylique et des coquillages etc…
« Vena Cava »…

Quelques visiteurs pour appréhender la taille du masque…

Les portraits monumentaux de Tau issus de son environnement font aussi référence au mysticisme et au dramaturge Wole Soyinka qui mit en valeur l’ethnie des Yorubas en Afrique, Wole Soyinka premier écrivain africain à recevoir le prix Nobel de littérature (1986)…
De profil…

Une forme de puissance à la fois passive, mais aussi prête à prendre vie, à se mettre en mouvement…
« Sol Niger »…

Allez, juste pour le plaisir, un court extrait du texte officiel de présentation, véritable exercice de style :
« l’artiste crée des monuments subversifs, rendant hommage aux philosophies de l’ingéniosité matérielle comme geste représentatif des communautés diasporiques. En activant la malléabilité idéologique des textiles et leur association historique avec le travail féminisé, Lewis dissout également l’espace entre les pôles artistiques et politiques, en particulier entre les pratiques traditionnellement définies comme artisanales, rituelles ou artistiques. »
L’art de l’enrobage, pour ne pas dire de l’enfumage, un vrai métier !…
Pour l’échelle, « foto » avec visiteurs…

Tout aussi spectaculaire de profil…

Igshaan Adams artiste Sud-africain…
« Bonteheuwel / Epping » Tapisserie géante, composée de Bois, Bois peint, Plastique, Os, Perles de Verre, Coquillages, Corde en Polyester et Nylon, Corde de Coton, Maillons de Chaînes, Câble d’acier, Ficelle de coton (495 x 1170 cm) 2021…
Les diagonales représentent ce que Adams appelle « les lignes du désir », des chemins non planifiés créés à la suite de l’érosion due à la circulation piétonnière, qui, tout au long de l’ère de l’apartheid, furent utilisés pour relier les communautés que le gouvernement voulait séparer de force…

Lavinia Schulz (1896-1924) et Walter Holdt (1899-1924) artistes et danseurs allemands…
Lavinia Schulz réalisait les costumes avec des objets de récupération…

En avril 1920, elle épouse Walter Holdt, qui devient également son partenaire artistique…
Ils ont rejeté la religion conventionnelle et l’expressionnisme comme une solution complète et ils auraient aimé vivre sans argent…

Ils vivaient sans lit ni meuble et restaient en collants de danse afin de pouvoir consacrer leurs journées à créer de nouvelles danses et costumes d’accompagnement…

Confrontée à la ruine financière, elle mourut à Hambourg en 1924 quatre jours avant son anniversaire, après avoir abattu son partenaire puis elle-même…

Dans les années 1980, le Museum für Kunst und Gewerbe Hamburg redécouvre les costumes, ainsi qu’une série de photographies de studio prises par Minya Diez-Dührkoop. Cette découverte révèle que le travail de Schulz était un témoignage significatif de la créativité et de l’art fantastiques de la culture de la danse de l’ère de Weimar…

Teresa Solar née en 1985, à Madrid, Espagne, présente sa nouvelle série « Tunnel Boring Machine 2022 » comprenant trois grandes sculptures…

Inspirées d’animaux et de formes de vie préhistoriques rappelant des branchies de poisson, des nageoires de dauphin, des becs, des lames et des rames…

Suspendues entre le biologique et le produit industriel, le tangible et le mythique, ses œuvres de sculpture présentent un monde hybride infléchi par la fiction et le conte…

En résine et argile traitées avec une finition polie, colorées et élancées, pleines de douceur, en rondeurs et courbes …

Le portrait d’Allison Katz, artiste canadienne, s’inspire à la fois du Petit Chaperon rouge mais aussi du film d’horreur Don’t Look Now. Film qui raconte l’histoire de Laura et John Baxter. John doit restaurer une église à Venise. Le couple qui a perdu leur fille dans une mort accidentelle, se rend donc à Venise. Il fait la connaissance de deux sœurs, dont l’une prétend être clairvoyante. C’est à dire qu’elle prétend que leur fille essaie de les contacter. John Baxter n’y croit absolument pas puis peu à peu change d’avis…

Tetsumi Kudo (1935-1990) Japon, figure essentielle du développement de l’Anti-Art » dans les années 1950 à Tokyo …
Après avoir déménagé à Paris en 1962, Kudo crée des œuvres guidées par son sentiment que, dans une « nouvelle écologie » où l’homme, la nature et la technologie s’entremêlaient, les valeurs éthiques étaient aussi échangeables que les biens de consommation…
Son œuvre « Flowers from Garden of the Metamorphosis in the Space Capsule » (Fleurs du Jardin de la Métamorphose dans la Capsule Spatiale) met en scène des fleurs artificielles baignées dans une lumière fluorescente pour créer une aura étrangement high-tech…

Jes Fan, né à Scarborough, au Canada, mais grandi à Hong Kong, vit à New York et Hong Kong.
Globules de verre soufflés à la bouche injectés de mélanine, de moisissure noire, de capsules remplies de soja, de savon chargé de testostérone, de cosmétiques riches en œstrogènes et de l’urine de sa propre mère…

La présentation officielle ne m’aide pas et je peine à comprendre la finalité de l’œuvre :
« à travers ces matériaux évocateurs, Jes Fan propose un moyen critique d’explorer les propriétés qu’il décrit à la fois politiquement contestées et totalement absurdes. Conçue comme une accumulation des thèmes et des formes qui ont caractérisé son travail précédent à ce jour, la nouvelle sculpture de Fan aborde les glandes et l’intériorité de la vie à travers une approche animiste des objets et une exploration sculpturale de l’enchevêtrement du corps avec la technologie. »

Raphaela Vogel, artiste allemande, utilise de multiples disciplines comme la vidéo, le son, les installations, la sculpture et la peinture…
Elle présente un pénis dans un modèle anatomique coloré à grande échelle, affligé en détail caricatural de nombreuses maladies et affections – cancer de la prostate et des testicules, verrues génitales, dysfonction érectile – comme indiqué dans une série de planches explicatives…
L’humour et le fantastique sont fortement liés dans cette œuvre…

En créant ses mondes obscurs et énigmatiques, les environnements de Vogel suggèrent des mythes, des reliques et des sacrifices rituels, tirés à la fois de l’histoire de l’art, de la littérature et de l’imagination du spectateur.
Tirée sur un traineau, la sculpture maladive est menée effrontément par une flotte de girafes blanches, comme s’il s’agissait d’un aristocrate ou d’un membre d’une famille royale imaginaire…

À bientôt pour la 2nd partie côté Arsenale et ultime reportage sur la 59ème Biennale d’Art de Venise…
Claudio Boaretto