LA BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN DE VENISE, CÔTÉ ARSENALE , 2nd partie
Posté par Claudio Boaretto le 14 septembre 2022
Voici l’ultime reportage sur la 59ème Biennale d’Art de Venise
Mire Lee née en 1988 à Séoul, en Corée du Sud, vit à Amsterdam aux Pays-Bas…
Son œuvre ressemble à un échafaudage avec des tuyaux, des carcasses qui suintent etc…
Pour Lee, le processus de création de ces objets sensoriels est lui-même lié au corps, comme elle le décrit :
« Je touche et sens le matériau de près, je mets mes mains dans n’importe quel espace, j’utilise mes dents pour tenir, je me penche, je m’étire et je rampe autour de l’échelle de l’œuvre. »…
Détail…
Inspirée du concept de vorarephilie ou « vore » (fantasme à l’idée de manger un autre individu, humain ou non humain, ou d’être mangé par lui et/ou d’observer un individu qui en mange un autre, ou encore d’être absorbé et fusionné avec un autre) la récente suite de sculptures de Lee intitulée Carriers (2020) crée des situations dans lesquelles des matériaux physiques disparates se nourrissent les uns des autres…
Sandra Mujinga née en 1989, à Goma au Congo. Elle partage sa vie et son travail entre Berlin en Allemagne et Oslo en Norvège…
Présentées dans une installation vibrante de lumière vert fluo, ces figures à capuchon plus grandes que nature, intitulées en langue bantoue « Lingala », se composent de capes à forme humaine avec des membres textiles qui évoquent des tentacules et des troncs…
Mujinga propose un monde imaginaire où l’existence cyborg ne signale pas nécessairement une menace à l’autonomie, l’hybridité fonctionne plutôt comme une protection…
Marguerite Humeau née à Cholet, en 1986, vit et travaille à Londres, en Angleterre…
Elle présente un ensemble de trois sculptures intitulé « Migrations 2022 », comprenant « El Nino », « Kuroshio », « La Nina » réalisées avec des algues, des minéraux en poudre, du plastique et du verre et de l’aluminium…
Humeau emprunte aux recherches sur les rituels extatiques, les transes, la morphologie animale et le changement climatique…
Leur créatrice leur a donné un nom qui les désigne comme des êtres à part entière, que ce soient des organismes nageant au fond des océans, des cellules transitant dans le liquide d’un organisme, des voyageurs inconnus de l’espace…
Monira Al Qadiri née en 1983, à Dakar au Sénégal, grandit au Koweit, à l’âge de 16 ans, elle s’installe, seule, au Japon, vit et travaille actuellement à Berlin…
Élevé au Koweït, Al Qadiri passe la dernière décennie à créer des sculptures et des vidéos qui adoptent une gamme de stratégies pour expliquer l’étonnant développement urbain et économique de la région du golfe Persique au cours des dernières décennies…
« OR-BIT 1-8 » (2016-2018)…
Série de sculptures imprimées en 3D recouvertes de peinture automobile irisée, incarne la puissance troublante du forage pétrolier…
Représentant des têtes de forage, ces sculptures de table flottent comme par magie à l’aide d’une plate-forme de rotation magnétique commerciale, insérée dans la base de chacune d’elles…
Tournant dans les airs, ces têtes de forage brillantes créent une expérience d’émerveillement et deviennent des symboles terrifiants de la dévastation de l’environnement…
Jeong Geumhyung née en 1980 à Séoul, artiste de performance, danseuse et chorégraphe sud-coréenne, vit et travaille à Séoul en Corée du Sud…
« Toy Prototype 2021 »…
Geumhyung utilise des corps, des mannequins, des machines, des jouets sexuels et des figures animés d’électronique. Ses réalisations sont construites à partir de pièces de bricolage…
Les « jouets » présentés ici sont des robots de bricolage créés par l’artiste suite à son apprentissage autodidacte dans la programmation de circuits et de mécanismes électroniques, un processus qu’elle a comparé à la couture point-par-point…
Jeong crée des rencontres entre l’homme et la machine qui testent notre capacité d’empathie lorsque des entités non humaines semblent avoir besoin de notre aide…
Tishan Hsu né en 1951, à Boston, vit à New York USA…
Il décrit l’intégration de la technologie avec le corps comme sa préoccupation artistique centrale. Il dit, « je me considère comme un cyborg. Google est ma mémoire »…
Les travaux les plus récents de Hsu utilisent des techniques de fabrication et des matériaux innovants, en particulier le silicone et l’alkyde, une résine synthétique durable, pour évoquer les orifices corporels, la matière organique ou les excroissances biotiques. …
Ses œuvres jouent sur les technologies qui désincarnent et connectent simultanément les êtres humains, avec une attention particulière aux appareils médicaux. A l’origine de ces travaux se trouve la question des effets de la technologie – qu’elle soit déformante, de surveillance ou vivifiante – sur l’être humain…
Robert Grosvenor, né en 1937, à New York USA…
Depuis les années 1960, Robert Grosvenor développe un langage artistique diversifié, utilisant des concepts architecturaux et des dynamiques spatiales dans des sculptures qui témoignent à la fois d’une austérité solennelle et d’un malicieux clin d’œil…
« Untitled (2018) », un conteneur industriel en acier au fond intérieur peint en or, abrite un scooter rouge, isolé, à distance du spectateur…
Precious Okoyomon, poète, artiste et chef, née en 1993, à Londres, double nationalité nigérienne et américaine, vit et travaille à New York, États Unis…
Elle met en scène des topographies sculpturales composées de matériaux vivants, en croissance, en décomposition et mourants, notamment de la roche, de l’eau, des fleurs sauvages, des escargots des vignes, kudzu et canne à sucre …
Pour Okoyomon, la nature demeure indissociable des marques historiques de la colonisation et de l’asservissement. Dans leur travail, des plantes comme le kudzu ( une vigne originaire d’Asie introduite pour la première fois par le gouvernement américain dans les fermes du Mississippi en 1876 comme moyen de fortifier l’érosion du sol local dégradé par la sur-culture du coton, puis se révélant envahissante de manière incontrôlable) sont devenus des métaphores de l’enchevêtrement de l’esclavage et de la racialisation…
Tout comme le kudzu, la canne à sucre est une plante dont l’essence même est saturée des circonstances économiques et historiques de la traite négrière transatlantique…
L’installation d’Okoyomon tente d’invoquer une politique de révolte et de révolution écologiques…
L’artiste interdisciplinaire néozélandais, Yuki Kihara, présente une exposition d’ensemble, « Paradise Camp »…
Conçu il y a huit ans, « Paradise Camp » comprend une suite de douze tableaux photographiques aux couleurs saturées qui recyclent les peintures de Paul Gauguin…
Les reconstitutions audacieuses de Kihara abordent l’intersectionnalité entre la décolonisation, la politique identitaire et la crise climatique dans une perspective résolument « Pasifika », racontant leur histoire depuis le Pacifique…
Lumturi Blloshmi, artiste albanais (1944-2020) travaille dans la peinture, la photographie, l’installation et la performance. Ses œuvres se caractérisent par une certaine ironie et une manière distincte de refléter et de dépasser la réalité dans laquelle elle vivait…
Cette présentation consiste en une sélection d’œuvres de Blloshmi des années 1960 jusqu’aux années 2010, couvrant des autoportraits et des compositions en peinture et en photographie…
Sa personnalité dynamique et sa conscience de soi, nourries de philosophie, de poésie, de sensualité et de spiritualité, donnent forme à une œuvre distinctive qui témoigne du parcours remarquable d’un esprit créatif qui endura et créa malgré les politiques, physiques et idéologiques. Limites imposées par la vie et par le contexte particulier de l’Albanie communiste après la Seconde Guerre mondiale…
Tableau mal exposé, une partie restant à l’ombre…
« Janus Gate » installation à la fois spectaculaire et mystérieuse de Ayman Baalbaki, artiste libanais né à Beyrouth en 1975…
L’installation monumentale d’Ayman Baalbaki et la vidéo de Danielle Arbid (vidéo que je n’ai pas vue) évoluent entre une image mentale devenue réalité grâce au geste plastique de Baalbaki, et une réalité tangible devenue pure vision dans l’œil d’Arbid…
Le dialogue artistique prend place dans le caractère urbain polysémique de Beyrouth, au cœur des bouleversements de la crise mondiale et de l’instabilité émotionnelle d’un monde technologisé…
Cette édition 2022 de la Biennale marquera la première présence d’un pavillon entièrement dédié au sultanat d’Oman…
« Une expo d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs
Le rendu ? Un hub intemporel qui témoigne de la manière qu’a ce petit pays du Moyen-Orient de traverser les époques. Un assemblage de travaux qui transfigurent les angoisses des artistes liées à l’avènement de la modernité, l’importance qu’ils accordent aux paysages et leur expérimentation formelle des technologies. »
J’avoue ne pas avoir compris la signification de ces gros cailloux suspendus…
Le pavillon de l’Irlande…
Les sculptures et les images en mouvement de Niamh O’Malley nous maintiennent dans l’espace pour lequel elles sont faites. À l’aide d’acier, de calcaire, de bois et de verre, elle façonne et assemble des objets pour créer un paysage de formes déterminées…
Des sculptures hautes et autoportantes, portantes au sol et en porte-à-faux, avec une image en mouvement rythmée…
Au premier coup d’œil j’ai cru que c’était un grand panier de basket, lol…
Détail…
Les œuvres d’O'Malley, écrit Lizzie Lloyd, « sont remplies de bords qui décrivent, se chevauchent et jouxtent d’autres bords. Leurs points de rencontre accentuent les surfaces polies, piquées, poudrées, sur lesquelles notre regard se pose et glisse. »
Le pavillon du Chili :
Grands panneaux sur fond noir…
Le pavillon Turba Tol Hol-Hol Tol est un projet collectif mené par la conservatrice Camila Marambio qui propose une voie expérimentale vers la conservation et la visibilité des tourbières, un type de zone humide considéré comme l’écosystème naturel le plus efficace pour accumuler du carbone dans l’atmosphère et pourtant l’un des moins étudiés….
Avec force détails et explications, toujours sur tableau noir…
Le pavillon Slovène représenté par les peintures de Marko Jakše né en 1959 à Ljubljana…
Depuis plus de trois décennies, le peintre Marko Jakše, lauréat du prix Prešeren Fund Award 2015, fait sensation avec ses œuvres ingénieuses et imaginatives…
Avec ses motifs figuratifs et paysagers reconnaissables, il crée un univers artistique mystérieux, entremêlant l’onirique et le réel, le lyrique et le narratif, l’archaïque et le moderne…
Il voit son voyage comme une forme de jeu, explorer la spontanéité et rester un enfant éternel…
Des tableaux immenses comme on le constate sur cette « foto » avec ce rideau s’ouvrant sur la sortie de l’espace slovène…
En l’extérieur sur les quais, l’ancienne grue hydraulique de « l’Arsenale », déjà « fotografiée » maintes fois par votre serviteur…
Allez, un peu d’histoire vénitienne :
En 1883, la marine italienne commande la grue à la société Armstrong, Mitchell et Co. dans le cadre d’un plan d’agrandissement et de modernisation de l’Arsenal de Venise.
La grue fonctionne en 1885…
Au début du 20ème siècle, on change son mode de fonctionnement, on remplace la machine à vapeur par un moteur électrique…
La grue reste opérationnelle pendant environ 30 ans, jusqu’à la Première Guerre mondiale, quand elle subit quelques dommages. Mise hors service en 1940 du vérin de levage… La grue continue tout de même à remplir sa fonction à l’aide d’un treuil, endommagé en 1946, mais réparé instantanément…
La grue cesse de fonctionner au cours des années cinquante du siècle dernier…
Plus loin, derrière la grue, les magnifiques « Gaggiandre » et ses arcades, créées par l’architecte et sculpteur Jacopo Sansovino, construites en 1573… Grandes darses couvertes où l’on armait les galères vénitiennes en construction…
À l’intérieur des « Gaggiandre » historiques, l’artiste américaine Wu Tsang née en 1982 dans le Massachusetts présente son installation « Of Whales » (Des Baleines)…
Wu Tsang se considère comme représentante du mouvement transgenre dans l’art et s’identifie en tant que « transféminine »…
« Son emplacement magnifique le long des arcades ajoute une toile de fond immersive, reflétant l’écran de 16 mètres à la surface de l’eau »…
Malheureusement pas de reflet lors de notre visite dû, en raison de la marée, au léger mouvement des vagues brouillant la surface du bassin…
Bluffé, je croyais admirer une immense peinture mais nous étions devant un écran, il nous fallait lire les explications pour comprendre :
« Réputée pour ses récits marginalisés, ses films documentaires, ses performances en direct et ses installations vidéo, tandis que certaines de ses œuvres ont été exposées dans de nombreux musées et lieux à travers le monde, Wu Tsang crée un film dynamique en temps réel qui cherche à nourrir le public avec une interprétation sensible de la perspective de la baleine. Grâce à l’utilisation d’outils de développement de jeux, « Of Whales » sera exposé en permanence, offrant aux visiteurs une expérience audiovisuelle changeante tout au long de la journée »…
Bien que nous flânions une bonne demi-heure sur ces lieux, l’image ne changea pas…
Éreintés nous visitions le dernier pavillon de la journée, celui de l’Italie, grand bâtiment derrière les « Gaggiandre »…
« History of Night and Destiny of Comets », (Histoire de la nuit et du destin des comètes)…
Pour la première fois, le pavillon italien présente le travail d’un seul artiste, Gian Maria Tosatti, né à Naples en 1980…
L’installation – dont le sujet central est l’équilibre difficile entre développement et durabilité et entre éthique et profit – nous emmène à travers l’ascension et la chute de l’industrialisation italienne, des années 1960 à nos jours.
Le public déambule dans les ateliers et entrepôts reliés par des escaliers métalliques et les portes en aluminium anodisées…
« Afin de créer l’ensemble de l’œuvre », explique l’artiste, « nous avons visité de nombreuses usines italiennes, qu’elles soient fermées, en faillite ou toujours en activité ; nous avons recueilli les histoires de ceux qui y vivent ou y ont vécu, y compris celles gravées sur les machines avec les empreintes digitales de ceux qui y travaillaient. Nous avons ensuite acheté ces parties d’usines et nous les avons amenées à l’Arsenal »…
Une salle remplie de tuyaux aspirant ou soufflant bruyamment de l’air… Une ambiance très particulière…
Un appartement sombre surplombe et s’ouvre sur une usine textile avec des dizaines de machines à coudre, dans ce qui est peut-être la partie la plus visuellement frappante de l’installation et un symbole de la croissance économique italienne non planifiée du passé…
Fin du dernier reportage illustré sur la 59ème Biennale d’art de Venise, ouverte jusqu’au 27 novembre 2022. …
Je passais plus de temps à comprendre et collecter et synthétiser les informations sur les œuvres des artistes qu’à shooter et traiter mes « foto »…
Mission accomplie…
Claudio Boaretto
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